La vie de Vincent, mon fils, a basculé brutalement à l’âge de 16 ans. Il en a aujourd’hui 35.
Lorsque je me projette 30 ans en arrière, comment imaginer que ce petit garçon au visage d’ange, inventif et sensible, qui créait sans cesse des histoires, des personnages, les mettaient en scène et développait déjà cette dévorante et inaltérable passion pour l’écriture et le cinéma… allait affronter un chaos dévastateur ?
A cet âge de l’enfance – celle qui commence avec l’école – il a vécu (et je ne l’ai su que trop tard, à l’hôpital, tant il était secret) des traumatismes et des douleurs qui en ont fait un être tourmenté, écorché, marqué à vif par d’ineffaçables souffrances morales.
Il y a bien eu, à cette période de la vie ou l’enfant tangue entre deux mondes et que l’on nomme l’adolescence, de petits signes, de ces « bizarreries » mises au compte des « teen » et dont je me reproche encore de n’en pas avoir décelé l’importance et la gravité.
Tout cela, ajouté à des repères masculins mal vécus, a contribué sans doute à développer la maladie dont il souffre, cette bipolarité qui se manifeste par une schizophrénie qui lui a littéralement « volé » son adolescence.
Vincent a traversé ces années tourmentées dans une grande douleur, porteuse de créativité, et c’est au travers de l’écriture – sa passion véritable avec le cinéma – qu’il avance dans la vie et progresse lentement mais sûrement.
L’écriture mais aussi l’amour au quotidien, le soutien sans faille – moral et affectif – que je me dois de lui apporter pour le faire avancer positivement dans sa jeune vie, afin qu’il parvienne à dépasser sa souffrance pour la transformer en victoire et qu’il ait droit lui aussi à sa part de rêves et à une existence normale et autonome.
Ecrire, une thérapie bien sur, un oxygène sans aucun doute, mais aussi un vrai talent reconnu par quelques « Eminences » en la matière comme Monsieur Marcel JULIAN qu’il a eu le privilège de rencontrer 2 ans avant sa disparition, et avec lequel nous étions, lui comme moi, restés en contacts réguliers.
C’est ce grand homme qui, le premier – me parlant de Vincent car il m’appelait de temps en temps – m’a dit cette phrase, gravée dans ma mémoire :
« Ce sera très dur pour un Arthur Rimbaud de réussir à l’époque de la Star Accademy ».
Ce jour là, une lumière a brillé dans mon cœur de mère, un début d’espérance en voyant scintiller les yeux de mon fils; ce dont je lui serai à jamais reconnaissante.
Marie Madeleine Blénet