Apocalypse révèlateur !
17 oct 2012 par vincent
DE PROFUNDIS
Qui suis-je et quel symbole suis-je, et pour quelle signification ? Je ne l’ai pas vraiment su au fil des siècles emplis de silence fade qui a traversés mon éternité. Je m’exécutais mécaniquement au sein de mon rôle de passeur d’âmes millénaire. Les mentalités des humains sont à l’antithèse de ma nature ainsi que mon apparence sombre. Les vies des gens sont éphémères, ils enflamment leur vertu et s’éteignent brusquement, comme des papillons de nuit. Alors que je ne cesse de me déplacer à la vitesse de l’esprit, afin de guider une âme vers son chemin éternel. La plupart des âmes que je guide ignorent que je suis de la race des anges. J’ai pourtant l’apparence d’un squelette entouré de flammes purificatrices, vêtu d’un suaire noir séculaire, ma différence avec mes frères anges est frappante. Eux sont les messagers immortels de la foi alors que je demeure l’image de la frayeur pour les humains depuis l’aube des temps. On m’a affublé de multiples qualificatifs tels que « la mort », « la faucheuse », …. Cela n’a pas d’effet sur ce sentiment récurrent que j’ai d’être incompris, et de ne pas même me comprendre moi-même.
Chaque jour j’assiste à la messe du royaume des cieux, je m’isole retranché dans un coin et observe la foule des anges priant sous les liturgies des séraphins illuminés par la grâce de la sainte foi, à laquelle nous avons tous fait allégeance. Dieu évoque les règles bibliques en vigueur pour les mortels. C’est là que je suis pris entre deux feux car comme tout Croisé du Père, j’ai prêté serment avec les anges de servir la sainte foi rédemptrice catholique à travers le sacrifice du Christ à Golgotha. Mais il semble que Dieu veuille ignorer la débauche sauvage de mortels ! Les messes au royaume de Dieu devinrent routine, sous les larmes de la Sainte Vierge Marie qui, visiblement, n’est pas dupe de la situation.
J’écoute attentivement les énoncés règlementaires du Père car je dois pouvoir les comparer avec les actes et comportements des humains lorsque je les guiderai vers l’absolution ou la pénitence. Les prêches de Dieu captivaient les anges qui s’agenouillèrent face au Père, au Fils et au Saint Esprit. Aucun d’eux ne fit attention à ma présence, à l’exception de la Vierge qui me fixait en larmes. Je respirais une détresse qui la rongeait. La plupart du temps, je suis le témoin des excès des hommes. Les gens négligent les offrandes chrétiennes et abusent des privilèges que la vie leur permet d’avoir. Ils trouvent le vice et l’agonie sociale distrayante, c’est là majoritairement qu’ils trépassent et que je les guide face à Dieu. Les humains sont souvent effrayés par mon apparence gothique et pourtant mystique. Puis après avoir eu le verdict du Père, certains découvrent la paix dans les cieux, tandis que d’autres subissent les tourmentes qu’ils ont infligées sur terre, dans les flammes éternelles de l’enfer.
Puis j’entends la résonance ancestrale des clochers, pour nos messes célestes avec Dieu. Je me mets de côté et observe les anges, fascinés par la noblesse du christianisme. Dieu est un excellent orateur face à ces messagers. J’ai toujours une foule de questions identitaires et relatives aux messes divines, comparées à celles des mortels, lesquelles ont des œillères religieuses. De mon point de vue d’observateur, je dirais les deux. Chacun oublie la foi et base tout sur les dogmes. Le Christ est resté quelques instants sur la croix afin de démontrer aux hommes leurs faiblesses, l’église et la doctrine sont la croix en bois massif, bien droite et intacte, cependant le Christ se révèle, mort sur sa croix, en position de souffrance et non pas la tête relevée. Ce qui nous démontre qu’être croyant ne symbolise pas être dans la marche des dogmes imposés par certains. Il leur faut accepter cela. Le Christ s’est exposé ainsi à la postérité afin que les hommes comprennent qu’ils doivent assumer leur humanité ainsi que leur faiblesse, car la noblesse de la foi provient de leur détresse. Pendant l’office religieux du Père, je restais attentif mais observais discrètement les larmes poignantes de la Vierge. La messe s’active entre les louanges, les prières, ainsi que les serments d’obéissance à genoux, tous les anges ont les ailes déployées avant de tous se signer. La vierge a remarqué que je l‘observais, elle semble si vulnérable !
Je pressentis que tout ce cirque ecclésiastique devait prendre fin, je me mis à rédiger mes ressentis avec ma colère. J’écrivis la tragédie religieuse qui m’habite en révélant des secrets que j’ai captés lors de nos messes, afin de m’inspirer entre mon rôle de passeur d’âmes et les offices du paradis. J’observais ce monde qui me révolte. Des églises réformatrices aux prisons haute sécurité, des guérillas urbaines aux émeutes des ghettos, ou bien des enterrements dans de magnifiques cimetières archaïques, aux messes catholiques divisées entre les fondamentalistes ou le Père. Tout se chrysalide en Armageddon créatif. Mon but est de déclarer une guerre spirituelle et de provoquer une apocalypse afin de briser les œillères entre les cieux et la terre. J’aspirais les sentiments de rage et d’incompréhension lors de nombreuses funérailles dans les églises, puis dans les cimetières. A chaque fois je les combinais avec les symboles christiques pour accoucher d’une écriture religieuse et volcanique et déclencher ainsi l’Armageddon spirituel à toutes et tous en guise de bilan, après des siècles de tricheries. J’observais avec dévotion et nostalgie les roses, crucifix des cimetières, ainsi que les peintures de la renaissance. Les humains sont sous négligés, abusés et bafoués. De temps à autre, je me pris d’enthousiasme à observer les valses frénétiques des goths au sein de leur caste. A partir de là, je pressentis quels serait mon auditoire prêt à défiler pour ma révolution et afficher mon Armageddon religieux, afin que la vierge ne verse plus une larme. Je sentais un point commun entre moi, le passeur d’âmes immortel, et ces jeunes goths furtifs, nous ignorions ce que nous sommes ! C’est pourquoi on se distingue par l’abnégation de tout espoir.
Un soir, j’apparus face à des goths musiciens, jeunes et très révoltés. Après leur frayeur et leurs prières, ils acceptèrent de composer sur mes textes, par un contraste entre le métal enflammé et la pureté religieuse des voix et instruments auxquels les anges ont recours dans nos messes célestes. A la sortie de mon disque, tous ignoraient le but de ma guerre créative et vengeresse. Cette apocalypse amena de nombreux jeunes à mes concerts, tous pris de frénésie sous mes prêches révélateurs des cieux. La cadence des guitares, batteries, orgue et cloches, ainsi que ma voix enragée, suivie de celles d’enfants de cœur le dimanche, provoquèrent des débats au royaume des cieux. Dieu et les anges se mirent à écouter ma révolte, je sentis que c’était l’heure de nos messes, alors je me mis à défier la physique en dévoilant la présence du Père et de mes frères messagers, ainsi que le Christ et la vierge Marie. Les jeunes soudain eurent un moment d’effroi face à face avec la création. Les anges regardèrent cette jeunesse consumée et confuse, avant de me regarder interloqués par mes intentions. « Qui sommes nous, chacun d’entre nous ? Nous sommes aveuglés par nos dogmes, c’est le temps de la révélation, voici le Père, le Fils et les anges. (À Dieu) Père, voici les mécréants qui te jugent et tu reste silencieux pour certains d’entre eux, face à leur détresse ‘hurlais je. Les jeunes se signèrent tous, pour quelques uns ce fut une première, quant aux anges, ils déployèrent leurs ailes et prièrent à leur tour en fixant les jeunes. Je me mis à chanter un de mes textes sur la repentance, la condoléance et l’apocalypse. « Au nom du Saint Esprit, j’invoque l’Armageddon à vous tous, menteurs, tricheurs. Puissiez-vous admettre vos fautes, car elle pleure et ses larmes sanguines enragent. Aussi je brise le masque de vos hypocrisies au nom de la sainte foi » criais je face au public et à l’assistance céleste.
Puis j’entrouvris les portes de l’enfer afin d’exposer l’agonie à tout pêcheur sournois. La foule fut prise de panique. « Voyez où mènent vos perversions, cautionnées par votre société infectée ? » dis je violemment aux jeunes totalement effrayés par l’existence de Dieu, ainsi que leur chemin potentiellement dirigé vers l’enfer. Dieu vint me demander pourquoi je brisais les tabous, avant de me conseiller de cesser cette guerre religieuse. Il m’invita à prier entre nous autres, croisés des cieux, et de laisser les mortels suivre leurs instincts, me précisant qu’ils ont leur libre arbitre. « Qui suis-je, mis à part mon rôle, dans cette mécanique ésotérique ? » lui demandais-je. Il comprit que j’avais traversé l’éternité dans la négligence de mon âme, que la solitude et d’autres émotions m’avaient écorché à vif, malgré ma funeste fonction. La vierge Marie me supplia de mettre un terme à tout ceci « Si des innocents brûlent en enfer pour servir ta colère, mes larmes seront multiples » me souffla t elle. Cette phrase eut une résonance particulière et calma d’un coup la violence de mes ardeurs guerrières et l’intensité des flammes qui entourent mon entité. Le Christ me calma à son tour et expliqué que je ne suis pas cette présence invisible qui a forgé mon immortalité, je finis par accepter son raisonnement et que tout rentre dans l’ordre.
De retour au Paradis, le Christ décida de donner mes écritures à lire à tous les anges, jugeant qu’elles étaient dignes de figurer dans le patrimoine mystique. Depuis la plupart d’entre eux consultent mes écrits afin de mieux cerner les humains. La vierge fut apaisée de voir éteinte ma colère, elle me souriait, complice.
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