Le fardeau (St gens)
Je traverse les âges et je côtoie l’infini pour transmettre la voix de l’omniscient, cependant la froideur de la solitude étouffe mon âme ancestrale. Les mortels fantasment à la vie éternelle, mais l’immortalité a un prix ainsi qu’une exigence redoutable que nul humain ne serait apte à orchestrer dans la noble allégeance du Royaume. J’atteste en effet que traverser les siècles ivres de débauches et de décadences conjugués dans des actes primaires, avec pour seule compagnie les maux du monde en farandole dans ma conscience si sensible face à la violence néfaste de l’alphabet du Malin, cela est une tourmente abyssale dont il m’est pénible de gérer face à ma Mission de Messager du Père. La froideur de l’éternité fragilise mes ailes au son des Psaumes cadencés par nos clochers lors du Baptême évangélique, près de la source où le Vin de l’Alliance est obscurcit par le doute contemporain, je me décompose devant tant de regrets. Affronter la désolation ronge mes prières, tant de visages ont frôlés mes pensés et à présent ils hantent mes songes avec lancinance.
Lorsque les Séraphins sonnent l’appel à l’Allégeance ou à la protection du Royaume – comme Saint Jean y fait référence dans ses Révélations – je me frotte à l’Adversaire avec effronteries provocatrices. L’insouciance suicidaire et désespéré noie ma raison stratégique, seul préserver l’Héritage du Pardon est mon Mantra cyclique, peu m’importe de danser avec la mort. Toucher le fil de l’Oméga est une mélodie si savoureuse qu’il m’encourage à défier avec véhémence blasphématrice l’ennemi, quitte à tricher dans les codes stratégiques établis par Saint Michel. Lorsqu’un démon me fait défaillir, j’effleure ces visages disparus qui me hantent tellement et c’est alors que le défilé de toutes mes joies infimes, deuils récurrents ou tristesses omniprésentes affluent dans ma conscience. Je suis plongé au cœur d’un océan infini où la symphonie nostalgique prend possession de moi, j’illumine mes yeux de braises et je souris devant la fatalité qui est mienne par jeu insouciant, prêt à être éclipsé de cet opéra intemporel. Mais comme toujours à la dernière minute, la frayeur de l’inconnu réveille mon sens de l’attaque et je terrasse les hordes de démons avec rage pour exprimer ma haine impulsive contre l’existence concubine de l’Horloge fataliste.
Chaque jours suffit sa peine, parait il… Mais lorsqu’il n’y a pas de fin et que le temps n’a pas d’emprise chronologique sur nous, l’immortalité se révèle agonisante où d’aucun n’entend ma souffrance plongée dans un néant visible que par ma détresse et il n’y a pas d’échappatoire. Ce vide est décuplé à travers les millénaires par la froide réalité fataliste de l’infini, dont nous connaissons les consonnes implacables. Les sentiments sont élimés par le déclin de nos espérances méprisés, quant à mon cœur, il se consume en même temps que les prières du dimanche, prononcées par des âmes méfiantes qui pendant chaque autre jour obéissent scrupuleusement aux dogmes des Sept offenses de la Genèse. J’ai par conséquent fait le choix de flirter avec les excès lors des Affrontements au seuil d’Eden, je poursuis ma tâche postière des Cieux, mais je resterai de marbre sur le sort salvateur des mortels qui ne reflètent que l’irrespect. Afin de canaliser ma fureur, ainsi que de l’exprimer aisément, je me plonge dans la frénésie ravageuse du métal. J’y côtoie de l’abnégation purificatrice, mon regard de braises illuminés dévisage chaque détail littéral et gestuel des Rockeurs qui dressent le récapitulatif de leurs deuils et diverses douleurs face à un monde conformiste étriqué. Cette culture aux connivences Gothiques m’attrait fortement et accompagne mes songes afin de stabiliser mes limites impulsives face au Règlement qui nous est imposés.
Se revendiquer dans le Royaume par son récital identitaire particulier me procure une forme de charisme singulier et je parviens à me trouver un intérêt face à mes semblables. Les démons hésitent parfois à me prêcher la confusion des Psaumes pour m’atteindre, lors des célestes assauts c’est toutes mes angoisses, mes terreurs et ma rage qui dicte le fil de nos Victoires. Je deviens un stratège emblématique dont Saint Michel confie l’aile EST du Royaume pour expulser l’ennemi loin des frontières définies, Lui se charge de chasser les intrus par le côté Ouest. Pendant ce temps aux Portes de Saint Pierre, le Baptiste scande les Rosaires de l’immaculée conception avec le soutient de tous les Saints, il exhorte les démons à se repentir et à s’incliner devant la Grâce de l’Esprit Saint. C’est sans soupçonner que les messagers sataniques ne savent plus trop comment corrompre mon esprit si assoiffé d’une violence qui finit par les déstabiliser, en effet la contradiction de mon statut ésotérique conjugué aux cantiques expressifs de ma culture métal Gothique les mets en effroi, prêt à l’hésitation alors qu’ils sont réputés pour agir dans la spontanéité. Mais cette force a un prix, plus je dévoile de la violence, raisonne à travers la violence et n’existe que pour déchaîner de la violence, plus je me perd et suis absorbé par cette rage abyssale. Parfois je ne vaut pas mieux que les démons terrassés car j’en oubli les magnificences du Pardon et ma céleste tâche.
Régulièrement, j’observe les mortels en prières durant la messe. Cependant par mon regard si particulier et habitué à jongler entre les différents miroirs universels, les cantiques sonnent fades. Les fidèles ne s’abandonnent plus dans les bras cajoleurs du Père, ils récitent le Missel avec décontenance, je fixe ensuite avec stoïcisme à travers mes yeux de braises illuminés les prêtres orchestrer les Sacrements d’onctions dans un ballet précaire. Leurs gestes à tous dans l’église trahissent une bassesse déconcertante, je médite longuement et en silence sur l’inquiétude de la Sainte Vierge Marie qui ne cesse de pleurer pour les enfants du Père depuis le Royaume. La saveur de la négation m’est plus familière que la Grâce, la symphonie successive de mes révoltes colériques envers l’existence remplace mes prières. Au sommet des cathédrales, je contemple la danse infantile et absurde de la vie qui dicte sa loi au détriment de la nature de l’âme, le rythme des clochers cadence mes pensées méditatives emprises par mon impulsivité ambiante. Lors des affrontements au seuil d’Eden Saint Michel sonne la charge à tous Anges – qui redoublent de ténacités sous les Psaumes scandés par le Baptiste – les démons battent en retraite effrayés par le récital des cantiques chantés par l’ensemble des Saints. Par la suite je dévisage l’horizon Apocalyptique des Cieux et reste figé devant tant de chaos pendant qu’autour de moi la violence monte d’un cran, cela pour préserver une infime partie du message de la Résurrection et honorer la promesse faite à Abraham, afin de sauver le don de l’Alliance Nouvelle.
L’aiguille chronologique poursuit sa course inlassablement sous le baiser glacé du silence omniprésent, je m’efforce d’accomplir ma Mission et de remplir mes tâches évangéliques et combatives avec rigueur. J’écoute mes laudes Rock métal dans les festivals quotidiennement, après le chant Rédempteur des Séraphins – bercé par les violons de la sagesse et ponctué par la cadence de nos célestes clochers – lors de l’Office journalier du Père. La tristesse mélodique des violons résonne en moi et me plonge dans la réflexion assidue, j’espère en ces instants de prières être apte à me confier au Père sans exprimer mon débordement colérique, afin qu’il rassure mes confusions, doutes, excès et autres comme le guide Paternel qu’il subsiste au fond de mon cœur malgré toutes mes rages dévoilées. Quelqu’un pour entendre.
LE DESIR (St gens)
Le temps fragmente les songes existentiels des mortels, ils sont malléables à l’usure et nous en sommes les observateurs désabusés. L’enfer est devenu une industrie attractive aux fantasmes élitistes providentiels pour de nombreux mortels afin d’échapper aux réflexions de déductions humaines. Même certains fidèles s’y laissent capturer pendant qu’ils récitent les Psaumes en lancinance, les démons sont en farandoles dans les églises qui sont devenues leurs parcs d’attractions lucratifs et nous assistons à ce spectacle désemparés. Il est certain que Lucifer trafique l’aiguillage chronologique et fataliste en sa faveur, tout est propice pour transfuser sa doctrine au plus faible, humble ou innocent afin de renverser l’équilibre spirituel des âmes récolté comme trophée pour sa paroisse de feu – le symbole de défiance envers le Père des Cieux – alors que nous ne sommes restreints qu’à la transmission des écritures. Le Baptiste s’épuise à prodiguer le pain de vie aux plus démunis malgré les promesses aguicheuses des tentateurs, nous autres Archanges cadençons l’exécution de la Prière face à la surdité de l’éternité et cela est pour nous notre pain quotidien par delà les âges.
Selon quelques murmures, il semblerait que nous envierions la condition humaine car nous n’avons aucune vie. Pourtant chaque Ange, Séraphin ou Archange est un Observateur éveillé des Cieux. Nous existons bel et bien mais la contrainte chronologique, gestuelle et organique nous est épargnée. Le Père nous a préservé de la fatalité dans laquelle les Hommes sont enclavés, eux ne peuvent être conscients des ruses ou échéances car la chair emprisonne le ballet de l’esprit. La vie comprise par les évangiles sociaux nous est relaxée, aucun maux ne nous capture et assaille notre conscience trop proche de l’infini, cependant les pleurs sanguins en prières nous blessent au cœur de l’esprit. Nous ressentons toutes les émotions des mortels telle des vagues décuplées et nous sommes noyés dans la confusion sentimentale destructrice, il nous est donc enseigné de nous détacher et de ne point intervenir dans le cadastre existentiel, ce que nous faisons sans soupçon. Pourtant le récital émotif d’une jolie mortelle m’y intrigue.
Lorsque le soleil se fait discret pour offrir la constellation à la lune, les mortels s’amusent avec frivolité dans les clubs où la musique électro emporte les sentiments entre rage libératrice et excès infantile, parfois il y a quelques mélodies apaisantes. Je fixe l’opéra de la décadence à travers mes yeux de braise théologiques et je médite sur l’horloge fataliste qui dicte leurs choix, cependant depuis quelques temps je suis capturé par une jeune fille du nom de Kim. Elle est si fragile, délicate et douce, son sourire et ses yeux conjugués transpercent mon être émotionnel. Dès qu’elle frôle ma présence, je suis au seuil du désenchantement et mes ailes ont beau être en cadence avec le rythme musical, je suis pris au piège des émotions. Partagé entre les Enseignements du Père et le désir d’étreindre cette jeune fille entre mes ailes, la douleur consume mon cœur qui ne pourrait résonner que pour elle et je prie. Transgresser l’équilibre de l’Alpha s’inocule dans ma conscience et je ressens que cette tourmente symphonique orchestre mon instinct millénaire, j’entends moins l’écho du verbe de la Résurrection et j’enrage contre l’ordre des lois physiques avec une fureur bien muette aux yeux de tous, même ceux de la Genèse. Je caresse les flammes de l’impulsion à défaut d’entendre le requiem des battements de son cœur entre mes ailes, ne pas être en mesure de savourer son parfum de l’innocence pour en être enivré déchaîne mon propre enfer où il n’y a pas de réponse autre que mon incompétence. Le silence qui m’est imposé masque la douceur de l’électro ambivalente au sein de ce club, j’ai beau écouter le chant des Séraphins pour calmer mon âme en proie à la souffrance, il n’en est que facultatif face à cette fille.
La rose qui m’était offerte à travers Kim par le destin pourrait se crysalider en cheval de Troie de l’adversaire afin de déstabiliser la Foi qui demeure en moi, rien ne semble faire obstacle à Lucifer pour souiller toute forme d’équilibre. La ruse mensongère est son cantique stratégique et parfois l’enfer est introduit au milieu des Psaumes prodigués à la messe du dimanche. Atteindre la pureté pour l’infecter par le relais du Père sans que le soupçon ne chuchote à nos oreilles pourtant alertes, telle est la pratique clandestine mais bien courante des démons. Face à ce fait, parfois je fuis le cadastre évangélique pour défouler la pression reflétée de toutes parts ainsi que la jolie Kim, je sillonne le Hellfest et contemple l’expressionnisme enflammé des Artistes de métal qui dresse la note des offenses sociales humaines, politiques et émotives. Lorsque je m’abandonne dans la rage vocale, les guitares cadencées, ainsi que la ponctuation frénétique des batteries, j’exulte les Révélations de Saint Jean à se manifester dans la fureur afin de masquer la tristesse de ne pouvoir effleurer la douce peau de nacre de celle qui fait pleurer mon cœur bien discret depuis des siècles, peu après le Pardon de la Nouvelle Jérusalem. Ce cœur qui ne bat qu’à travers son regard espiègle et son sourire si intense que l’Aube des âges n’est qu’une illusion insignifiante, je me laisse capturer par l’attrait Rock and Roll et illumine mes yeux archaïques devant la chute de l’enfance.
Le désir qui croisse en mon être peut être ravageur mais il est de fait qu’observer parfois le sourire innocent d’un enfant me conforte dans ma tâche de messager évangélique et de Témoin de l’éternité. Observer certains prêtres ranimés par l’inconscience des tous petits manifeste qu’il subsiste un sens à l’héritage des Psaumes compacté dans le consortium chronologique et organique ambivalent. Par cela, j’entourais ma si chère et tendre Kim entre mes ailes afin qu’elle bénéficie de mon Aura protectrice mystique et je me mis à prier de toute mon âme pour son salut existentiel, rien ne compte que son bonheur même si celui sur qui elle trouvera refuge ne pourra autant l’aimer que moi. Je canalisais mon énergie Rédemptrice en symbiose avec son esprit, il me fallut accorder les parallèles dimensionnés de la physique tout en priant pour Kim et en conjuguant le récital de mes sentiments envers elle. Mon cœur se mit en concordance harmonieuse avec le sien, d’ailleurs il ne pourrait battre que pour Kim. Puis l’horloge sépare le brin de proximité affective palpable entre elle et moi, depuis je l’observe toujours et sourit de son bonheur, même si elle ne le partage pas avec moi j’exulte d’allégresse que le Père entendit ma prière et prit compte de ce que mon cœur souhaitait. Aimer n’a pas de dogme et il y réside en chaque âme, qu’elle soit damnée ou céleste.
Ps : Ces 2 écrits sont inspirés de longues conversations avec mon ami Paul Bénézit (prêtre de St Didier dans le Vaucluse), ainsi qu’avec Ethienne Jonquet (prêtre parti à Jérusalem) !