UN INSTANT UNE ÉTERNITÉ
13 jan 2020 par vincent
Depuis bien des siècles je contemple la nature fascinante et effrayante de la nuit. Bien des flammes ont embrasé mes songes, bien des larmes ont enflammé mes sens, bien des femmes ont embrassé mes prières. Perdu dans les parfums éteints par le Soleil, errances interminables dans le cimetière de jonquilles oubliées, elle transperce les pulsations sensorielles qui érotisent la Transylvanie… Depuis, bien des aubes ont fané par la perversion des humains, à croire que la fragilité et la justesse limitées de la mortalité Darwinienne ont travesti la transgression de l’offense par une louange vertueuse de la perdition éternelle. Bien des nuits enlacées de sang et des excès j’ai prié les Cieux pour qu’elle et moi puissions nous réunir charnellement dans les orgasmes de satin, là où l’onctuosité des plaisirs a la saveur glacée des raffinements monnayables et démocratiques d’une génération d’âmes élitistes…
Une union tactile, une chandelle fragile, la Vie s’était posée sur un fil…
Elle est différente de ces autres anges de la nuit… Alors que les mortelles sont épouses du talion de la mort et du péché. Elle, elle est unique. Issue d’une lignée aristocratique Vampirique originelle, je me suis égaré dans la tourmente des sentiments et des démences. J’ai beau avoir compté l’accumulation des cercueils d’âmes perdues par l’ambition, j’ai été dégoûté par le baiser langoureux du Soleil. J’ai présenté, à genoux les ailes déployées, mes condoléances à la pureté des enfants du Seigneur Dieu. Pourtant lorsque mes lèvres caressent les siennes je retrouve un souffle d’existence si pur, si profond que l’innocence s’est inoculée dans les veines de mon subconscient. Bien des éternités ont suffoqué mon épitaphe de rosaires et bien des cercles occultes ont obscurci mes pensées, cependant dès qu’elle a posé son cœur si délicat entre mes ténèbres, ainsi que la caresse sensuelle que mes ailes déposent sur sa peau, combien la vie enivre mes soupirs ! Toutes les vertus bibliques sont dérisoires et toutes les réformes pastorales ne sont-elles pas poussières face à l’émotion tant est elle charnelle… ?…
Dès que j’effleure les contours veloutés de sa chair, bien que surnaturelle, immortelle sur laquelle l’emprise du temps n’a guère effet, c’est alors que je retrouve ce divin parfum des Lys du Jardin. Bien des siècles se sont écoulés depuis qu’elle et moi furent éloignés par nos instances respectives. Le tribunal de la sainte aristocratie Vampirique ainsi que l’inquisition de Dieu lui-même condamnèrent notre étreinte passionnelle. Je fus cloîtré dans un tourbillon de brasiers démonologiques pour offense à l’équilibre envers le Royaume des Cieux. Chaque ange déchu, missionné et d’astreinte à officier la punition, me confia sa sympathie et leurs excuses pour obéissance ‘forcée’ à Dieu. Eux-mêmes étaient mes frères d’armes, mes frères d’éternité, avant que les lois réglementaires des Royaumes séparent notre fratrie en deux camps distincts, divisés par leur vision perceptionnelle de l’allégeance à la ‘Foi’. Le temps n’a cessé de pleurer son odeur Transylvanienne, chaque souffre satanique qui nourrissait mon détachement à l’égard de la Vie était linceul dépressif qui m’était prodigué par la voix frigorifique de l’Eternel. Une main de fer dans un gant de velours. C’est ainsi que les prêtres ont masqué la barbarie des dogmes évangéliques, médiévalistes, sectaires et politiques dans le cœur des fidèles. Le Sacrifice du Fils était un vrai don d’amour à l’humanité, cependant le profit et l’ambition lucrative, mais également le désir de domination qui sommeille chez les mortels surpasse largement un gaspillage sacrificiel.
Une union tactile, une chandelle fragile, la Vie s’était posée sur un fil…
Les Soleils vampiriques ne sont que l’éclipse d’une enfance volée, là où de nombreuses croix brûlent avec insolence parmi les excès d’un Enfer qui désormais n’a plus d’identité. Perdu dans ce labyrinthe de fous, je ne peux qu’être en deuil devant les modestes cendres qui autrefois étaient mon cœur. L’arrogance des dames de cœur pique avec conscience la froideur de ce poison fatal qui a induit en mes entrailles l’affreuse rancœur que j’éprouve envers le trèfle Irlandais où jadis Dieu posa les clés du Paradis, près des senteurs du jasmin, fané par la cupidité des mortels avides de royauté et de conquêtes. Quitte à baigner dans un océan de sang, juste pour assouvir la jouissance d’une signature Faustienne sur la clause de contrat, affirmant la fin d’une quelconque espérance de survie. Comme des cierges, éteints, dont nous avions allumé la flamme. Jadis il fut un instant où la mécanique des éternités avait un sens et une raison d’être.
L’ivresse du sang est une saveur irrésistible pour la sainte caste familiale, de celle dont mon âme s’est conjuguée comme ‘promise’. Certes, face au talion du sang, elle est soumise. Pour ma part, ce fût les prières qui ruisselaient au sein de mes veines, et la Foi était ma soumission de rigueur, non pas l’église. Mais depuis qu’elle & moi brisâmes les règles de l’éternité de l’équilibre, depuis que j’ai goûté à l’onctueuse saveur du sexe et respiré aux nectars divins des plaisirs érotisés de nos corps, lesquels ont dansé en extase orgasmique… Dieu me pardonne… Mais j’ai aimé enfreindre ces maudites règles. Ce n’est pas l’éclipse de mon âme qui est en péril, mais c’est la Chute vertigineuse de mon être et de mes sentiments qui risqueraient de damner mon sort vers l’extase des fureurs dangereuses qui me conduiraient droit à l’enfer éternel… Oh oui mon Dieu, grâce à elle j’ai aimé la Vie. J’ai aimé vivre avec elle et en elle, rien qu’un modeste fragment d’instant, égaré dans l’immensité d’un océan d’immoralité…
Une union tactile, une chandelle fragile, la Vie s’était posée sur un fil…
Les voix de l’enfer sont irrévocables, quant aux voies du Seigneur elles semblent impénétrables. Pourtant tout ce méandre cacophonique résonne férocement avec insistance déambulatoire dans les nombreux isoloirs. Au final il n’y a plus de voix mais des hurlements bien plus enragés qu’engagés. Mais ne suis-je pas déjà en enfer ou n’y ai-je jamais échappé ?