LE MENSONGE DES ECCLÉSIASTES
27 mai 2021 par vincent
Au nom du père et du fils, avalez cette hostie, camisole chimique, sangle du trépas, offrande du Ciel, pitance pour les refusés, misérables gueux, maudits parasites encombrants le sens de nos fêtes, à nous privilégiés d’Eden.
Le prêtre use et abuse du mensonge, son Bescherelle séminariste est très clair : mens à tour de bras, effraie tes paroisses, illumine la damnation de l’enfer, n’encourage aucune attache, sois faux et convertit les autres à ce que tu ne crois pas toi-même.
La parole Divine est un label d’argent, une étiquette commerciale ou politique. Elle divise plutôt qu’elle divine les cœurs. Dieu est galvaudé en croquemitaine, en patriarche mafieux incontestable, dont le verbe irrévocable tranche avec férocité incisive l’existence de ceux-là qui déplaisent à Père. J’ai observé, en retrait, les événements qui ont été « retranscrits » dans l’Ancien Testament. Dieu tout-puissant, qu’est-ce que l’humain ? Et son histoire chérit soigneusement la barbarie des faits. Quelque part l’écriture des siècles se rédige plus couramment dans le sang et la violence. Les vainqueurs travestissent l’Histoire pour leurs glorioles narcissiques, gloires perverses jusqu’à empoisonner la cervelle des enfants dans leur éducation afin de perpétuer l’immortalité des mensonges, l’immortalité dégueulasse des vices et contre-vices, afin de garantir leurs trônes « chat-bite » sur l’étendue de l’Histoire. Une Histoire trafiquée, falsifiée, corrompue, monnayée, une Histoire de perversion où le dominant souille les affaiblis et brûle ses victimes. Tout comme les prêtres.
J’ai longtemps traversé la froideur de l’éternité. Avec nonchalance et zèle j’ai arpenté les brasiers fougueux des ténèbres, j’en ai perdu la saveur de l’orchidée. J’ai traversé, longtemps et interminablement, j’ai traversé les couloirs affolants d’un enfer immortel. J’y ai tutoyé les ruses, j’ai côtoyé de multiples reflets, mensongers ou machiavéliques, là où chaque visage sourit lorsqu’ils assassinent et vous dupent. J’ai dévisagé ce Ciel, interminable et inaccessible, je l’ai fixé avec jouissance mélancolique, parfumée d’ivresse autodestructrice. J’ai oublié l’odeur des jonquilles et j’ai embrassé le sceau de la honte pour mieux m’incliner devant les fleurs de lys. J’ai permis aux ombres de consommer ma raison, j’ai follement dansé avec allégresse dans la tourmente des flammes si séduisantes, j’ai valsé passionnellement dans la démence alors que les crucifix s’embrasaient furieusement dans l’arrogance des Dieux. J’ai laissé la honte enlacer mes prières. J’ai regardé les envolées d’anges déchus tournoyer au-dessus des limbes dans la défiance et l’insolence éternelles. Toiser la fin des temps, provoquer l’outrage et hurler l’envie de vivre.
« Le paradis n’est pas seulement dans le Ciel, le paradis se lit à travers elles. Même les Ténèbres deviennent lumières grâce à elles ».
Le confesseur ne serait-il pas le tricheur, un bluffeur habile, rusé et perfide, lequel fait mouche et dupe la triste âme qui avouerait sa faute inavouable. Le confesseur trafique les prières, il est un passeur de péchés, un monnayeur de dogmes dans une industrie religieuse où « la maison ne fait pas de crédit ». Il est clair que l’habit n’en fait pas le moine, cependant la réputation, l’étiquette sociétale, l’énoncé politiquement correct ainsi qu’une bienséance, la plupart du temps aléatoire, mais toujours dans le respect des clichés prédéfinis. Un prêtre envoie l’image de la confiance. Une confiance à l’épreuve du feu, même si les balles ont davantage l’avantage d’être concrètes et réelles lorsqu’elles frappent.
Entretenir la chimère c’est caresser l’espoir de l’apeuré dans le sens du poil. Mais alors à qui profiterait le « crime » si je puis dire ?!…
La sentence de Dieu est glaciale. Implacable, redoutable, impalpable, irremplaçable.
Nous sommes des messagers, pour la plupart nous avons étés disgraciés, un genre de licenciement comme on le nomme chez nous. Nous avons su rester en retrait, presque comme abstraits dans toute cette éternité, froide et interminable, confuse et irrévocable. Nous avons parcouru tant de royaumes, tellement de cercles, là-haut ou ici-bas. Nous avons regardé les millénaires succomber dans le déclin et la perdition. Nous avons vu les humains choisir l’option tragique de leurs destins et nous les observons à la fois s’enivrer dans le chaos et se complaindre de l’absence de Dieu. Pourtant nous ne parvenons pas à comprendre pourquoi l’indulgence s’applique aux mécréants convaincus et vindicatifs, cherchant même la jouissance sublimée lorsqu’ils souillent le visage du Très-Haut d’un crachat vicieux et blasphématoire, alors qu’il n’y a pas d’indulgence ni de pardon pour les âmes désespérées et « oubliées » par le Ciel. Un Ciel vidé de tout espace de vertu à celui qui y croit et qui y met tout son cœur dans ses mains jointes…. En vain….
Le silence ainsi que le doute sont d’une violence assourdissante lorsqu’on est étouffé de confusion. Nombre de voix infernales usent la carte maîtresse de la tentation pour feindre une dérogation à la règle. Ne pas savoir c’est apprendre de soi-même certes. Est-ce qu’au contraire le silence n’a-t-il pas poussé certains dans nos bras aux milles châtiments ?
« Le paradis n’est pas seulement dans le Ciel, le paradis se lit à travers elles. Même les Ténèbres deviennent lumières grâce à elles ».
J’ai survolé mille tourments et mille serments, je n’ai appris que poussières. Les regrets sont restés dans le présent, avancer sur le fil est plus que vertigineux. Les brasiers furibonds, les abysses tous en cercles, les limbes à foison, l’amertume du Styx. J’ai bourlingué à travers un millier de royaumes, les uns plus fades que les autres. Comme si aucun d’entre nous, tous confondus, n’y avait su apprendre une quelconque leçon. Parvenir à un sens. Rien. Que faire si ce n’est que de tourner en rond sur nous-mêmes, en boucle et en rangs disciplinés, immanquablement, avec neurasthénie, mélancolie, sans poser de question parce qu’il y aurait un sens à toute cette horloge. Une horloge folle et affolée. Une montre qui se dérègle et se brise un millier de fois dans la folie des humains.
Au fil des éternités j’ai fait la distinction entre les voix de l’enfer, les tentatrices, et les voix en enfer, les tourmentées victimes de leurs crimes. Au fur et à mesure je suis même parvenu à y imaginer un concerto symbiotique pour symphoniser tout ce chaos horrifique qui braille inlassablement dans mon esprit. Etre un immortel aux ailes déchues ne m’épargne pas de la folie ici-bas. À la base nous sommes une branche maudite de l’arbre céleste familial. Nous avons étés châtiés et chassés du Ciel. Nous sommes les premiers punis de l’histoire. Avec le temps nous avons trouvé une utilité à notre misère et nous contribuons à l’efficacité du trafic d’âmes entre là-haut et en bas. Mais la souffrance et la démence ne nous oublieront guère. Celles-ci n’ont de grâce pour personne, au contraire elles se nourrissent de toutes peines qui passent ou trépassent. Si je parviens à trouver un sens à mon sort il m’a fallu être débrouillard pour fuir et éclipser la démence schizophrénique de toutes ces voix cacophoniques qui se télescopent et se confondent dans l’océan de brasiers sataniques qui hurlent ici-bas. Aussi j’essaie de conjuguer l’horreur et la douleur dans un récital « orchestré » d’une symphonie de l’hérésie. Tel un maestro, j’aligne les voix tentatrices d’une cadence et je cadence les voix tourmentées de l’autre, ainsi en déployant mes ailes, je transforme l’épouvantable immortalité de mes frères ailés en fêtes musicales dans l’objectif de rendre notre sortilège dans une joyeuse « acceptation » et dans l’allégresse d’un blasphème qui a été commis mais qui est assumé avec enthousiasme.
J’ai marié l’horrifique des voix de l’enfer avec l’anthracite des voix en enfer, sous la rythmique visuelle des champs de crucifix en flammes. Je transforme en musique le désespoir par le feu, en symphonie syndicalisée dans chacun des cercles punisseurs d’en bas. Les pleurs et les horreurs deviennent vivacité et fureur d’agir. Si le temps est à l’arrêt chez nous, qu’il semble figé, immuable, nous trouvons quelques astuces à nos labeurs et nos misères.
L’office des ecclésiastes n’est écouté que par un auditoire d’hypocrites. J’ai vu et j’ai entendu tant de mensonges, tant de sournoiseries, tant de duperies, que même envers Dieu, leur sauveur, ils ne sont aucunement honnêtes. Même à Père ils mentent et ils ont la bienveillance, l’absolution, le pardon ainsi que la grâce du Ciel, le même Ciel qui ne veut pas de nous. Le même Ciel qui nous hait, qui nous juge et nous condamne pour l’éternité toute entière. Est-ce qu’un jour viendra où nous aurons pu payer notre dette à Père ?…
Est-ce qu’un jour Père nous aimera à nouveau ? Est-ce que Dieu nous pardonnera nos offenses ? Est-ce que….
« Le paradis n’est pas seulement dans le Ciel, le paradis se lit à travers elles. Même les Ténèbres deviennent lumières grâce à elles ».
Prédire et mentir sont de la même veine. Les prêtres se déshumanisent, ils se conditionnent, ils sanglent toutes émotions, toutes impulsions, ils cherchent à acquérir le Divin, le surhomme, afin d’être câblés sur les voix des Cieux. Mais ils ont la fâcheuse tendance à oublier qu’ils sont et resteront des humains tout comme leurs congénères. Ils ne sont pas exemptés du péché ni de la chute. Ils sont également les proies de mes frères déchus. A trop vouloir imiter le divin on finit par troubler son latin et trébucher dans le déclin. Toute âme est corruptible, ce n’est pas une soutane qui y changera la faiblesse de la chair, la défaillance de l’esprit. C’est en ayant encrassé son âme qu’il est possible de laver ses fautes pour y purifier sa voie. L’immaculé, l’écarlate n’est que provisoire avant qu’une tâche y souille la « vertu » potentielle du prédicateur bien présentable aux yeux des hypocrites qui foisonnent sa paroisse. Les congrégations de fidèles se prennent pour des armées, des militants voulant convertir à tour de bras comme on enpacte des cartons de cosmétiques pour le business de la grande distribution du samedi après-midi.
C’est amusant d’observer comment les humains ont travesti la religion. Désormais c’est pire qu’un dogme, c’est un marché, c’est une banque, une secte, un étendard discriminant les âmes qui sont incomprises. Mais Père aime et pardonne les fautifs, les tricheurs, les esprits dont l’âme est laide.
Les larmes de Jésus le Christ se déversent au fil des siècles à travers le Styx. Le fleuve en est transparent de la peine du Messie, même dans notre prison de flammes nous la voyons ruisseler paisiblement sans murmure dans une mélancolie quasi spirituelle. Cela nous fait méditer sur la notion de Bien et de Mal, sur la notion du juste et de l’injuste.
Perplexité et confusion englobent une fascination pour ce fils, ainsi qu’une compassion. Un fils qui a traversé notre désert durant un simple week-end. Au départ nous ne comprenions pas le sens de son geste et de son pardon, mais avec la longueur des siècles et des millénaires, nous parvenons à saisir son acte et la noblesse de son sacrifice. Même ici-bas nous entrapercevons la grâce de ce fils tout frêle et marqué des lacérations d’une foule de fous, d’une foule de mécréants incultes, des ingrats que nous avons plaisir à punir.
« Le paradis n’est pas seulement dans le Ciel, le paradis se lit à travers elles. Même les Ténèbres deviennent lumières grâce à elles ».
Le confesseur n’est pas le payeur, d’ailleurs les ecclésiastes sont habiles dans l’art de la triche, nombre de monastères font vœu de pauvreté et nombre de couvents font allégeance à la précarité. Pourtant, dans le saint des saints, dans la cathédrale de l’archevêché suprême il y a un étalage scandaleux de matérialisme narcissique luxuriant. Dans la basilique des papes, l’argent est une maîtresse viscérale, une amante insatiable qui se prélasse sans honte ni pudeur à la vue du monde entier et la souffrance des êtres démunis soumis à la une survie de misère absolue ne perturbe aucunement le cantique vaniteux de l’archevêché immaculé de blanc aveuglant. Et pourtant chez nous nul n’est dupe ici-bas, l’entourloupe ne trompe personne. C’est dans la précarité que la franchise de l’âme se révèle brutale et transparente, alors qu’avec le mensonge vous parvenez à faire illusion à qui bon vous semblera. Le confort est aux traîtres ce que la douleur est aux vertus.
Si l’horreur ainsi que la peur vous glacent autant le sang, si la terreur vous est si débectable, quasiment détectable à première vue, c’est qu’en vérité elles vous dévoilent la réalité opposée du miroir aux alouettes falsifiées, corrompu d’une promesse brisée en milliers de fragments, là où la réalité de vos espérances ont été trahies et refourguées dans la foulée à n’importe quelle victime désignée, prête à prier l’amour de Dieu pour fructifier le marchandage de prières. D’où la grandeur ostentatoire et insolente de la cathédrale de l’archevêché suprême. Plus la misère est en marche, plus la tirelire pastorale est scandaleusement outrageuse à l’image de Père. Et plus foisonnante est la luxuriante facturation de la messe, au cœur de cette cathédrale d’archevêché monnayable, plus violente est l’insulte à ce fils amaigri qui traversa notre désert infernal durant un week-end symbolique et au final tragique.
Bien conscient de la ruse, des mille duperies, je suis la proie de l’amour avec elles. Chaque fois que le soleil se lève et éclaircit un nouveau siècle, je ne vois qu’elle, jolie mortelle. Merveilleuse princesse de mon âme, laquelle est enlacée dans un brasier de tourments et de sentiments. Vertigineuse Déesse aux milliers de charmes, je me damne le cœur pour être avec elle et en elles. Prodigieuse traîtresse, elle m’attire dans une orgie de séquelles, mon esprit s’engourdit dans la lacération de mes cantiques, aux sonnets étouffés par l’ivresse autodestructrice d’un désir sensuel, un désir sexuel envoûtant et enivrant, un désir d’amour charnel sulfureux et machiavélique. Somptueuse prêtresse de mon propre enfer où je succombe avec allégresse pour parvenir à effleurer son plaisir à elle, délicieuse silhouette, terrible vertige de la tentation et sublime perverse à laquelle je plaide avec ferveur l’acceptation de la gifle du Ciel pour quelques caresses passionnées d’elle, quelques secondes de paresse dans sa couche. Vivre l’enfer éternel contre quelques instants, précieux et fragiles, dans la douceur d’une étreinte langoureusement interdite, passionnément pécheresse. Qu’est-ce que la froideur et la rigueur d’un paradis sans âme si ce n’est pas avec elle, dans l’indolence absolue de ses bras, dans la saveur du parfum de ses cheveux longs et lisses, ses cheveux longs qui dansent dans le vent et qui éclipsent la torture d’être enclavé par ce désert immense et immortel. Le frisson de cette jouvencelle sur mes timides ailes dépasse la beauté éternelle d’un paradis qui n’a plus de raison ni même de solfège. Même si la sentence est un millénaire de sortilèges, le seul petit soupir d’elle sur ma nuque, ses lèvres frôlant mes lèvres, ses mains caressant mes ailes et nos yeux s’embrassant légèrement. Embrasant les règles. Il n’y a pas d’autre paradis plus puissant, plus purifié et plus salvateur que d’être avec elle dans sa sensuelle douceur. Dans la douceur de ses bras, ses bras délicats ponctués d’un parfum exquis.
Châtiments ou sentiments ? Que dire, que faire ? Croix de bois et croix de fer, tralalalalère je suis déjà en Enfer…
« Le paradis n’est pas seulement dans le Ciel, le paradis se lit à travers elles. Même les Ténèbres deviennent lumières grâce à elles ».
#LaCompagnieLittéraire
« L’écrivain est un observateur de nos époques. Fougueux, pudique, scandaleux schizophrénique, scabreux, l’écrivain a du mal à danser dans la farandole mais il retranscrit la folie de la vie afin que le reste du monde puisse mieux entrapercevoir la fine entaille de ce que la société moderne nomme « la différence ». Contestataire de l’obsolescence ainsi que de la dégénérescence à l’insolente décadence, déchéance des Temps. L’écrivain est un être, parfois même, une âme en souffrance au cœur cabossé par l’existence, mais l’écrivain est un témoin dans le temps, un œil discret sur l’Histoire de l’humanité. C’est après la disgrâce des empires, la chute vertigineuse des siècles, bien après avoir balayé les cendres que les retranscrits de l’écrivain vont avoir un sens et même un écho qui pourrait percuter, basculer nos idées et nos préjugés. Qui sait, peut-être que nos péchés, nos orgueilleux clichés seront effacés pour mieux comprendre et accepter les personnes « refusées », tous les « oubliés ». Qui sait ?… »