LES CHIMERES
15 mar 2007 par vincent
J’écris ce texte durant la nuit. Ce matin je reçois la feuille de protection de mon texte précédent. J’ai eu, à nouveau, une nouvelle remise en question sur moi-même et la direction que prendra ma vie.
Comment pourrait elle changer positivement ? Les habitudes sont tellement présentes et ancrées…
Après avoir lu quelques passages du recueil d’histoires vraies écrit par Chuck Palahniuk, que je persiste à trouver génial. J’ai tellement eu de plaisir en lisant ce livre, c’est ce qui m’a donné le courage de lire, de la lecture, et de l’appréciation du style de cet auteur fantastique. J’aimerais qu’il puisse un jour lire mes écrits.
Je décide de sortir marcher, prendre l’air dans la nuit. Ces heures où les rues sont désertes, calme absolu ou presque, à part quelques oiseaux de nuit …comme moi ! L’idée me vient d’écrire ce texte, pour me faire du bien, me lâcher un peu et dire ce que je ressens, comme une espèce de thérapie bienfaisante qui me permettra peut être un jour d’atteindre et de faire passer un message « subliminal » à ces êtres que j’admirent tant ! J’ai toujours l’envie d’écrire, depuis toujours, mais cette angoisse omni présente qui me torture de ne plus en être capable un jour, c’est terrifiant ! Quoiqu’il advienne, je pressant pourtant au fond de moi que l’écriture fait partie de mon être, ce que maman me confirme inlassablement.
Marcher me fait bouger, m’évite de grignoter donc de me gaver comme la dinde qu’on va servir au repas du réveillon, pour oublier une année d’esclavage au service de l’état et des patrons…
Je réfléchis…. (Ça m’arrive, et oui ! un « sale schizo » ça peut réfléchir, et combien …)
Je repense aux acteurs, ceux qui ont été mon moteur pour rester stable face aux tornades du système et aux règles de la société, face à la folie, à la dépression, la solitude, mon identité propre, et j’en passe….. Tout cela est un mensonge ! Cet espoir n’est qu’une illusion « morphinale ». Bien que sachant cela, je voudrais me tromper, j’aimerais pouvoir imaginer passer des moments privilégiés avec Brad Pitt et Kevin Spacey, ne serait ce que pour pouvoir écrire sur eux, sur ma rencontre avec eux.
Mais j’imagine que cela semble impossible pour moi, il y a tant de barrières, de conventions, de barrages…sans doute leurs entourages trouveraient ils cela grotesque, ridicule, de toutes façons impensable ?
Quelqu’un m’a même expliqué que si ces acteurs souhaitaient que l’on écrive sur eux, ils s’adresseraient probablement à des journalistes prestigieux et reconnus mais certainement pas à moi !
Pourtant, la presse dite « people » trouve un certain intérêt à montrer une photo de Brad Pitt (voire d’autres stars) en train d’enjamber une portière de voiture, tu parles comme c’est intéressant comme info, vital de voir ces personnages en caleçon chez eux en train de lire un magazine ou le journal !!!
Le déclic pour réaliser que mes espoirs sont des chimères a été long et douloureux à admettre.
Ca a commencé après ma rencontre avec Tom Cruise. J’espère qu’il comprend mes ressentis à son égard et ce qu’il représente pour moi. Mais je suis quand même en colère et me demande s’il ne me voyait pas comme un « gros lard » et si ses émotions étaient réelles ?
Il m’est apparu qu’il se partageait entre des millions de fans plus enthousiastes les uns des autres, et ses gestes envers certains parfois me rappellent ceux qu’il a eus avec moi. Etait il honnête ? S souvient il de moi, de notre rencontre dans ce sous sol à Marseille ? Qu’est ce qui pourrait faire que cet homme me remarque et qu’il trouve quelque chose de particulier à ses yeux ? A-t-il lu mes textes ? Si oui, me rappellera t il un jour ? Je me répète cela sans cesse dans ma tête, va t-il cesser cette torture et briser ce foutu silence destructeur ?…. Cela suffit, ça fait trop mal !
J’aurais fait n’importe quoi pour gagner son amitié, certains me reprochent mon manque de lucidité à ce propos. Mais je reste persuadé que tout est toujours possible, même après plus d’une année pleine de souffrances, de désillusions et de confusion ainsi que d’auto destruction. Aujourd’hui, je pense tout le temps à lui, il me manque terriblement et je ne peux m’empêcher de conserver l’espoir qu’un jour il prendra contact avec moi et que son visage me regardera, moi Vincent, avec affection.
A ce jour, quand maman appelle son staff à Los Angeles (elle a pu se procurer les numéros), on lui passe des répondeurs avant de raccrocher car ils refusent de lui donner ne serait ce qu’une adresse postale.
Je pensais l’avoir touché, ému, mais il semble que j’ai eu tord…chimères !
Tout cela peut paraître contradictoire par rapport à ce que j’écrivais il y a quelques jours, pourtant je me dis qu’il me faut cesser de rêver à des choses qui pourraient me décevoir et donc me blesser, voire me détruire. Qu’en sauraient ils, eux, les acteurs ? Rien bien sûr.
En dehors de ma mère qui tente toujours de positiver tout et qui continue à se démener pour m’aider à réaliser mes rêves, la plupart des gens dans la vie n’ont cessé de me décourager, de me dire et répéter que rêver ce n’est pas pour moi, que c’est mal. Pourquoi ?
Il ne faut donc pas rêver ? Avoir les pieds sur terre, en permanence, être concret. C’est ce que l’on m’a matraqué à l’hôpital, et ailleurs, pendant toutes ces dernières années.
On naît pour aller à l’école, tout ça pour aller trimer pour les patrons et l’état, comme une espèce de racket « légalisé », car il ne s’agit pas vraiment d’autre chose. Tu bosses pour les impôts, au moyen âge on appelait ça la redevance au seigneur. Si tu ne paies pas, on te prend tout et on brise ta vie. Il faut payer pour tout : manger, se soigner, boire, dormir dans un lit…tout quoi ! On paye pour une vie qu’on n’a pas demandée, ni choisie en général, et on est obligé d’avancer toujours dans ce système imposé, jusqu’à la mort. Il faut assurer, encore et toujours sinon c’est foutu pour toi !
Toute notre vie on nous inculque qu’il faut avoir une vie « normale », c'est-à-dire de merde, à travailler comme un esclave. Qu’en plus c’est mieux de faire des gosses pour perpétuer la tradition, tout ça pour finir le plus souvent à l’hospice largué par nos mouflets. Tout cela porte le nom très savant de « cycle de la vie »…… drôle de vie en vérité !
Si on n’adhère pas au système établi, on nous interne et nous matraque la gueule pour nous soumettre au système établi, à coup de camisole chimique et de manipulations mentales pour nous faire accepter ce viol intellectuel avec le sourire.
Lorsque j’étais dans un groupe de paroles en HP, une fille disait qu’elle avait rêvé et compris la réalité. Une réalité qui est la nôtre, à nous les internés, les exclus et les parias de la société qui n’ont droit à rien sauf à subir et à fermer notre gueule. Elle disait qu’elle était « retombée les pieds sur terre » et que ça lui faisait très mal mais qu’il fallait l’accepter et l’assumer car c’était ce que l’on appelle « guérir », autrement dit être dans la réalité de cette société « abattoir ». Cet aveu restera gravé dans ma vision du monde, j’avais 16 ans et déjà des images épouvantables comme ce vieil homme complètement défait, dans le premier service où je séjournais (celui des adultes), que j’ai vu la bitte à l’air en revenant dans ma chambre et que j’ai dû aider à pisser en lui tenant le pot. Comme il n’y arrivait pas, il m’a fait reposer sont pot à côté du lit, ce que je fis tout doucement pour ne pas renverser l’urine sur ce corps nu et pathétique. Lui, il reste figé dans une espèce de catatonie, les bras pratiquement tendus en l’air, les jambes ouvertes et bouffant ses mots. C’est en le regardant avec son pauvre sexe à l’air, tout rabougri, que je réalise l’univers dans lequel j’ai atterri.
Ensuite une armada d’infirmiers arrivent en groupe et embarquent le lit avec le vieux complètement défoncé pour le transférer à l’hospice tout près.
Exquise vision pour découvrir ce qu’est l’avancée en âge, surtout dans cet environnement délicieux….
Moi aussi, j’ai été conditionné à cesser d’écrire, cesser de rêver, cesser de vouloir ce que je ressentais comme mon oxygène. J’ai eu droit à une espèce de chantage psychologique pour ma sortie de l’HP ! En effet, la psy et l’assistante sociale du service jeunes adultes m’ont clairement dit que si je n’effectuais pas un stage dit « sous convention avec l’hôpital », il n’était pas question de sortir. J’appelle cela de la manipulation !
Pendant que j’étais interné chez les adultes, mon grand père invite ma mère chez lui à Miami pour qu’elle puisse se reposer. Elle part donc 2 semaines et je me retrouve seul. Maman avait combiné avec ma grand-mère que celle-ci vienne en cachette me voir, dissimulée sur un banc à un endroit discret, derrière des buissons. Nous avions arrangé un planning d’horaires différents pour nous retrouver afin de brouiller les pistes et ne pas éveiller la suspicion du personnel soignant qui ouvrait et fermait la porte pour que je puisse aller « en promenade »
Dans le parc.
A ma sortie de l’hôpital, j’aurais aimé que mon grand père m’invite chez lui moi aussi, pour que je profite de ma liberté nouvelle et que je puisse me réhabituer à la vie à l’extérieur.
Sans oublier le repos et la distance après ces mois de dureté carcérale ! Mais non ! Il ne l’a pas fait et au lieu de ce voyage espéré, j’ai dû travailler dans ces « stages sous convention » obligatoires.
Après cet univers d’enfermement psy, avec tout ce que cela peut comporter d’horrible, auquel j’avais eu tant de mal à m’adapter, je tombe dans un univers étranger pour moi, celui du travail, mais un travail répétitif, comme à la chaîne, où il faut être rapide, souriant, adroit, assuré et toujours en forme. Ce sont deux univers en opposition totale – la folie et la maîtrise mentale -. C’est comme si j’étais enfermé au goulag et que je me retrouvais soudainement à la prison de Guantanamo, sans transition, soumis au regard hostile des taulards islamistes.
Je réalise que ma vie ne peut pas exclusivement tourner autour des acteurs que j’admirent (et que j’espère toujours rencontrer un jour), parce que je crois qu’ils ne pourront pas s’intéresser vraiment à moi.
Le rêve se brise. Les acteurs que j’admirent ne marchent pas à l’affectif, ils ne me parleront que si je peux leur rapporter du fric. Sinon, je ne suis guère intéressant. Ce sont des fantasmes… des chimères, il est tout à fait normal de rêver de ces gens là mais que ce n’est pas forcément bien de vouloir les rencontrer car je pourrais être déçu par ce qu’ils sont réellement dans la vie.
Cette pensée me torture évidemment, car ces acteurs ont été mes « béquilles », mon moteur pour pouvoir supporter et traverser mes douleurs.
A ce moment précis je me dis que c’est foutu, je n’y arriverai pas et je me sens très malheureux de ne plus y croire comme avant.
A ce jour, je sais que mes acteurs ne sont pas forcément ce que je crois qu’ils sont…. Aujourd’hui j’ai vachement mal, je paye mon « péché » et doit en assumer les conséquences.
Je réfléchis encore….
Je me faufile dans les rues dont certaines puent l’urine, et le reste… Les bouteilles éclatées qui ont probablement servi à des bagarres, c’est moins idyllique ! L’odeur de l’alcool me prend la gorge. Pendant que je passe dans la rue, il y a un mec shooté et bourré qui se jeter violemment en dehors d’un bar. Il proteste, les tauliers aussi et tout cela provoque une méchante bagarre générale… Des mecs arrivent d’on ne sait où et se mêlent au pugilat.
Les gens qui habitent au dessus du bar râlent et menacent d’appeler les flics !
Je continue mon chemin….
Je me fais interpeller par une bande de jeunes qui crient « Oh ! Michael, Oh ! Michael ! », Comme pour se foutre de moi. Je m’arrête, me retourne et leur réplique « qu’est ce t’as ?…vas te faire enculer ». Ils s’arrêtent, me fixent, moi aussi. Je fais mine de partir et rebrousse chemin pour me colleter avec eux, mais ils ont disparu !
Je me demande si à mon retour je vais retomber sur eux et si ils vont me tomber dessus.
La hantise et la parano de la honte, que j’ai tant subie dans les écoles et collèges, a repointé le bout de son nez, ce qui a provoqué une nouvelle crise et une montée de violence. Ca me bouffe la tête.
Je réfléchis encore….
Je repense à mes discussions avec les adultes de l’HP. On était soudés entre nous, on se respectait et s’appréciait. En répondant aux jeunes, je repense à une patiente très âgée – Raymonde - qui nous amusait en répliquant face aux infirmiers.
Quand elle voulait sortir dans les allées et qu’un infirmier mettait du temps à venir, elle leur sortait « alors, bande d’enculés, vous l’ouvrez cette foutue porte ? Arrêtez de vous branler dans votre bureau et venez m’ouvrir bordel ! ». Le soir on se remémorait ses sorties fumeuses et elle nous entendait et se marrait avec nous. Parfois, ça lui piquait d’un coup et elle s’énervait contre nous…
Elle était souvent menacée d’être en cellule mais elle s’en fichait et continuait quand même. Raymonde, elle n’avait pas peur d’eux. Quand elle devait prendre ses cachets aux repas elle les insultait à chaque fois, c’était Madame résistance….
Je poursuis toujours ma réflexion….
J’arrive aux Beaux Arts et croise un ancien camarade de classe, Ludovic, que je n’avais plus revu depuis très longtemps. Il a changé physiquement évidemment et a beaucoup mûri. Il est avec un copain qui semble un peu « allumé » ! Il m’avouera plus tard qu’il a un peu abusé…
C’est vrai qu’il n’est pas clair, bien que je le trouve assez sympa. Plutôt gentil envers moi, ce que je respecte (c’est assez rare…). « Moi je peint des sexes, je fais des boules d’indiens avec des plumes, des bites en arc en ciel et aussi des vagins », dit il en souriant pour se présenter. Nous éclatons d’un rire libérateur ! Comme j’étais pas mal énervé – ce qui est le cas lorsque je sors marcher dans la nuit – ce qu’il dit, le fait de les trouver là, ça me calme un peu…je peux même dire que ça me distrait et que j’ai le sentiment de partager un moment avec quelqu’un de différent. « Une fois, à l’école (des beaux arts) à un contrôle, j’ai rendu un dessin, c’était le vagin de la prof. J’avais mis du rouge partout et j’ai inscrit au dessus : elle a oublié son tampax. J’ai été viré quelques jours de l’école » ajoute t’il avant de se mettre à rigoler. Il toussait bizarrement aussi !
Nous discutons de tout et de rien, on évoque nos souvenirs et notre avenir. Ils compatissent sur mon incarcération en psychiatrie et me disent que j’ai raison de vouloir me battre, prenant fait et cause pour ce que je leur raconte. Ils comprennent mes difficultés à réaliser mes projets d’écritures. « Peins des bites et des vagins, tu te sentiras libéré » me lance le copain de Ludovic. Je prends sa remarque en considération mais, en toute franchise, je ne compte pas faire cela…
Nous parlons actualités, inégalités sociales et abordons au cours de notre conversation les groupuscules satanistes. Je leur explique ce que j’ai lu dans les livres à Virgin, l’existence de ses réseaux glauques et la crainte, voire la terreur, que tout cela m’inspire. Ils semblent étonnés par tout ce que je leur explique, ils ignoraient toutes ces choses.
Quelques filles traversent, ils les remarquent. « Excusez moi mesdemoiselles, vous voulez parler avec nous de sectes sataniques, de gothique, de messes noires ? » leur lancent ils pour déconner. Eberluées, elles déclinent cette étrange invitation en éclatant de rire et fuient….
Je me tords de rire, eux aussi !
Je leur parle de mes compagnons d’enfermement à l’hôpital, Laurence qui arrivait à me réconforter quand je craquais. Comme ma mère ne pouvait pas être physiquement là, avec moi, elle tentait de me soutenir moralement. J’étais le seul avec qui elle « oubliait » son côté rebelle et masculin. A ce jour, j’ai perdu sa trace, ce que je regrette beaucoup car j’aurais aimé garder le contact et pouvoir la remercier de ce qu’elle m’avait apporté dans ses moments de douleurs.
Je leur raconte aussi l’arrestation de Marc. Il était sorti dehors avec sa guitare, complètement a poil, et s’était mis à chanter dans la rue… Ils se fendent la pêche en entendant ça.
C’était mon meilleur pote en HP, qui a par la suite délibérément coupé les ponts avec moi par traumatisme de son incarcération, pour ne plus avoir à en reparler. Il m’a nié pour nier l’hôpital et ce qu’il représentait de souffrance pour lui. « N’y penses plus, fais comme moi, peins des bittes. Quand je me suis énervé une fois, j’ai fait une péniche en forme de bitte qui rentre dans la fente de Marseille…ça m’a calmé, alors suis mon conseil : peins des bittes, des grosses, des petites, des poilues de toutes les couleurs ou des imberbes… et ta vie sera transformée ! » me lance le copain de Ludovic qui se marre avec moi.
Après ça nous nous quittons en nous serrant la paluche et en riant.
Je suis sur un banc, dans « mon coin » favori. Je suis en train de me dire que je vais devoir oublier les acteurs. Un mec m’a même expliqué que les acteurs c’est une vie fictive et qu’il faut pas rêver trop sur eux parce qu’il vaut mieux avoir les pieds sur terre et être réaliste. Ils ont tellement d’argent et de pouvoir qu’ils ne doivent rien en avoir à foutre de moi, je serais déçu….ce sont des chimères.
Oublier Brad Pitt que j’apprécie tant et que je rêve aussi de rencontrer afin de pouvoir écrire sur lui, voire rester en contact avec lui dans le temps….c’est une chimère.
Oublier Kevin Spacey, un acteur unique à mes yeux, grandiose et sur lequel j’aimerais aussi beaucoup écrire, donc le rencontrer !
Oublier Lisa Kudrow qui est une actrice à part, avec son style bien à elle….chimères.
Lisa Kudrow est une femme que je trouve très sympathique et que j’apprécie, mais cela naturellement reste mon point de vue perso. Je ne la connais pas bien sûr, au départ j’avais plutôt peur d’elle car je l’avais découverte à la télé, dans des magazines, dans mes années « chaotiques » : 98 l’année de la folie, de l’enfermement ; 2000 l’année des blocages géographiques qui ne m’ont pas encore lâchés complètement….j’espère qu’ils vont disparaître car ils m’étouffent et me font souffrir.
Cette actrice était une des rares personnes, avec maman, ma grand-mère, De Niro, bien sur, Brad Pitt, dont je me suis toujours souvenu lorsque j’étais « bouffé » par les camisoles chimiques, genre zombie, isolé et coupé du monde des vivants.
J’aurais voulu qu’elle, et les autres aussi, sachent cet élan qu’ils me donnaient malgré l’horreur. Mais bon, sans doute s’en moqueraient ils ? Ils vivent dans un monde où je n’ai pas ma place. Quand j’ai commencé à comprendre cela, j’ai – fait rarissime – fondu en larmes pendant presque une heure.
Qu’est ce que cela change pour eux ?…..Rien puisque ce sont des chimères.
Je suis toujours assis sur mon banc, pensif sous le ciel étoilé…
Mon orientation pour atteindre ces acteurs s’est basée au départ, et inconsciemment, sur le désir fou de réussir l’impossible en rencontrant des personnes inaccessibles, qui ont réussi leurs rêves.
Je voulais aussi fuir l’ombre et exister moi aussi dans la lumière, mais finalement je suis enchaîné à l’ombre.
Il faut dire que ces acteurs sont une des raisons qui me rendent heureux parfois, l’autre raison c’est bien évidemment l’écriture qui me tient debout.
Quand j’ai des crises, des accès de violence verbale, mon visage et ma voix changent, je sens la haine envahir mon regard, mon être et ça me fait peur parce que je « sens » la folie revenir.
Ça ne dure jamais très longtemps, maman est toujours là pour m’apaiser, elle trouve les mots qui me rassurent et me dit que j’y arriverai un jour, qu’il ne faut pas désespérer mais toujours garder le cap, être tenace, ça c’est son truc : être tenace. Comme une « arapède », ce coquillage qui s’accroche au rocher jusqu’à la mort, Qui ne lâchera jamais.
Maman parfois a du mal à me reconnaître et je lis dans son regard une espèce de frayeur face à cette facette sombre de moi, son fils. Je me demande dans ces instants là si elle ne regrette pas de m’avoir libéré de l’HP et de ne pas être différent. J’ai le sentiment qu’elle regrette le petit garçon que j’étais autrefois.
En crise, je peux hurler, attaquer l’humanité en bloc de façon très virulente, je n’ai plus peur de rien y compris de me détruire moi-même. Genre me fracasser la gueule contre quelque chose mais pas me planter un couteau, par exemple. Non pas que je veuille m’épargner mais c’est l’idée de la souffrance physique, comme une force invisible que je ne peux contrôler, qui m’en empêche. Jésus peut être ? Est il possible qu’Il me protège et qu’Il croît, Lui, que mon rêve un jour viendra, se réalisera ? Il sait tout, donc Il doit savoir…..dommage que moi je ne puisse pas savoir comme Lui !
Plusieurs fois j’ai pensé et planifié mon suicide plusieurs fois.
Evidemment, tous ces « plans » dans ma tête étaient « top secret », je ne voulais surtout pas que quiconque se doute de quoi que ce soit, pour provoquer un choc pour marquer les esprits.
Je me disais que j’allais demander à ma grand-mère de m’acheter des somnifères parce que je ne dors pas bien, et qu’avant de me coucher – pendant qu’elle dort – j’avale toute la boite en ensuite je m’éclipse vers le royaume des cieux avec l’impatience d’être auprès de Jésus.
Vu que je ne suis qu’un « sale schizo » qui ne rapporte rien dans ce monde, que je n’arriverai pas à émouvoir aucun des acteurs qui sont dans mon cœur parce que je ne suis qu’une tâche épaisse et gênante sur le tableau, et qu’en plus ils s’en foutent complètement de moi. Normal, ce sont des chimères, ils vivront quand même leur vie dorée dans cette société qui m’empêche d’avoir accès à eux. Je peux donc disparaître en toute discrétion …..
A ce moment précis j’avais le désir de mourir en martyre, pour servir d’exemple et pour que ceux qui en bavent, ont été en HP ou même en taule, puissent un jour s’en sortir. Qu’ils aient enfin ces droits basiques que nous devrions TOUS avoir sur terre, des droits fondamentaux de liberté et d’expression.
Mais tout cela est « déprogrammé » pour le moment. J’ai envie de disparaître mais pas assez de courage pour mettre mes plans à exécution.
Ma grand-mère ignore tout cela bien évidemment. Quand, lorsque je suis en crise, je m’engueule avec maman j’ai quelquefois des impulsions assez violentes, gestuelles, envers des objets. Une fois, j’ai perdu le contrôle, je hurle et je bouscule une chaise plein de rage contre tout. De la rage contre le système qui me bloque, contre la fatalité. De la rage dans mes yeux que maman regarde affolée. J’ai quand même un déclic en voyant maman et le chien qui ont l’air terrorisés. Je pense que la folie a refait surface, je la ressens et cela me torture. J’ajouterai qu’une crise peut être aussi provoquée au fait que maman soit énervée, à cause de ses journées éreintantes, et aussi aux problèmes auxquels elle doit faire face.
Je ressens son énervement que je démultiplie, par culpabilité bien sûr, d’être une entrave et la cause de ses problèmes. Cela fait un mélange explosif au fond de moi et j’explose en me lapidant verbalement et en m’auto agressant. Je crois que dans ces moments, je serais capable de me fracasser la gueule pour la soulager de son stress permanent. J’ai envie de prendre
Sa souffrance pour qu’elle ne la subisse plus.
J’imagine que je vais finir ma vie en HP et j’en fais même des cauchemars la nuit.
Après ce genre de crise, en général je sors m’isoler sur le parking de la résidence de maman.
Je réfléchis et je vois une ambulance de l’HP qui passe à ce moment là, tous gyrophares en action. Sans doute un pauvre malheureux que l’on va interner ?
La voir me remémore que j’ai été moi aussi « à l’intérieur », à l’époque où le système était quand même un peu plus dur. Et maintenant je suis dehors, dans le monde dit normal.
J’ai pourtant toujours, latente, la crainte qu’ « ils » reviennent pour m’enfermer à nouveau.
La solitude a sans doute un rôle essentiel pour développer un sentiment affectif avec les acteurs. Pendant un temps, j’imaginais que je discutais avec eux, dans ma tête. Notamment Brad Pitt, Di Caprio et Lisa Kudrow. Une sorte de compagnonnage illusoire qui compensait un vide et qui me donnait l’illusion que j’étais compris par ces personnes, qu’ils avaient pour moi une affection.
Ce que je ressentais dans ces moments là était très fusionnel et cela m’aidait à tenir le cap quand le blocage des rues (que j’appelle 2001) était à son paroxysme. J’ai eu une période terrible d’isolement total – hormis ma mère et ma grand-mère – où je ne voyais personne et ne sortais plus.
Ces conversations imaginaires m’aidaient à m’évader et elles me donnaient la sensation d’être enfin privilégié et d’avoir une compensation à toute ma souffrance.
J’ai connu de multiples emprisonnements. D‘abord la terreur des autres dans toutes les écoles et collèges où je suis passé, la folie et l’HP avec la manipulation mentale des psys, les neuroleptiques qui détruisent mes facultés mentales, tous ces blocages qui m’étouffent, la solitude et maintenant mon rêve avec ces acteurs qui se dissout à petit feu et me détruit lentement.
Quand on est enfermé dans ces blocages, ou même dans la cellule à l’hosto et toute forme d’enfermement, on tourne en rond, réfléchis sans cesse et se torture indéfiniment.
On se demande comment on peut survivre dans ces « cages » tout en essayant de s’adapter
A cette situation qu’on subit. Bien sûr on crève d’envie que cela cesse sur le champ parce qu’on n’en peut plus mais, naturellement, rien ne cesse !
Alors on continue à subir et on s’abîme intérieurement, le cerveau en péril dans un chaos grandissant chaque jour.
Tous mes emprisonnements m’ont fait ressentir cela, toujours la même sensation qui revient à chaque fois.
Quand les infirmiers déverrouillaient ma cellule pour m’apporter soit les repas soit les « camisoles chimiques », je regardais désespérément la porte et le couloir, avec une intensité qui me faisait mal, me disant que c’était là l’issue pour échapper à cet enfer.
Je me bouffais les doigts moralement pour ne pas courir et m’enfuir loin d’eux, loin de tout.
Et là, quand ces acteurs dont j’ai parlé, sont de passage en France, je me bouffe encore plus les doigts de ne pas pouvoir les voir, le système m’empêchant d’accéder à eux.
Comment pourraient ils s’intéresser à moi dans le tourbillon de leurs activités, moi qui ne suis que moi…chimères …
Action, réaction, conséquence, c’est un cycle qui me ronge sans cesse en boucle. L’espérance conduit à la dépression puisque mes espérances sont impossibles. C’est comme la chenille qui se transforme en papillon, un cycle naturel. Comment pourrais je le briser ? Comment pourrais je rencontrer Brad Pitt, Kevin Spacey assez longuement pour pouvoir écrire un papier sur ces rencontres, et pourquoi pas garder un contact – même de loin – avec eux ?
Comment pourrais je faire parvenir mes écrits, et aussi rencontrer, Lisa Kudrow afin qu’elle sache que j’existe et qu’elle lise mon travail car je sais qu’elle écrit elle aussi.
Moi qui côtoie la jungle de la nuit urbaine, avec sa faune étrange et insolite, moi avec mes cicatrices morales et mes tourments toujours présents, moi avec mon identité controversée de « sale schizo » asocial…. Mais quelque part – au tréfonds de moi-même- ce que j’écris là est un message subliminal qui leur est destiné, pour qu’ils sachent ? Pour changer peut être cet ordre des choses ? Sans doute les deux à la fois !
Pour que cela marche, in fine, donc c’est quand même un message d’espoir…le cycle continue.
Au jour d’aujourd’hui, sur mon banc dans la nuit, la souffrance abominable de penser que tout cela est chimères m’explose en pleine gueule comme un gaz lacrymogène pendant une émeute.
Je décide donc, après cette nuit de réflexion, de continuer à écrire en espérant que j’y arriverai toute ma vie – en restant dans mon coin, seul – mais aussi de couper les ponts avec le passé, tout en gardant dans mon cœur la cicatrice de cette douleur, celle de ne pouvoir réaliser ce rêve si essentiel pour moi. D’ailleurs j’espère arriver à écrire le nouveau livre que j’ai commencé.
Le seul espoir qui résiste c’est celui de pouvoir quand même arriver à rencontrer Brad Pitt et Kevin Spacey Parce j’ai ce projet – si crucial pour moi – de parvenir à écrire des textes sur ces rencontres, de véritables rencontres s’entend ! Pas quelques minutes volées à l’arrachée, mais avoir de vrais dialogues avec eux pour ce projet littéraire.
C’est un objectif qui est vital pour moi car je n’envisage pas de publier ce recueil sans ces textes.
Une autre espérance – en fait plus qu’une simple espérance – est celle de pouvoir toujours continuer à écrire, être capable de rédiger, inventer, sans ces foutus blocages et librement.
Oui, voilà ! LIBREMENT !
Et bien sûr accomplir, à terme, mon projet de recueil tel que je le souhaite et aussi ma nouvelle histoire sur laquelle je suis en train de travailler, et bien d’autres textes, que ce soit des articles, des livres ou des expériences vécues. Car il est très important pour moi d’avoir au fond de mon être ce besoin et ce désir fou d’écriture qui ne m’a jamais abandonné. Je sais que Dieu m’a donné cette capacité d’écrire, la seule à vrai dire, de me valoriser moi-même, créer mon propre univers, mon identité, sans me mettre dans l’ombre de personnes pour qui je ne suis rien. J’ai compris qu’il faut continuer à écrire et ne pas me braquer sur la vision des stars. Les seules célébrités sur lesquelles je peux rêver sont celles avec lesquelles j’ai une « histoire » affective.
Je me lève de mon banc et retourne chez ma grand-mère. C’est la nuit noire.
Je quitte le quartier des Beaux Arts et voit un junkie complètement défoncé, allongé par terre et entouré de gens qui tentent de le relever et de savoir ce qu’ils peuvent faire pour l’aider, pendant que lui bouffe ses mots.
En traversant la rue, un SDF que je connais m’interpelle. Une fois de plus, il est bourré ! Son compagnon de misère garde la bouteille à côté de lui, complètement jeté lui aussi.
Le premier me parle de papiers administratifs en onomatopées incompréhensibles.
L’autre se lève et vient vers moi avec la lippe crasseuse et la barbe dégoulinante « excuses moi, je suis musulman et je voudrais me convertir au catholicisme. Comment je fais ? » Me dit il en regardant ma croix. Il doit me prendre pour un prêtre ! Je lui dis d’aller voir un dominicain. A ce moment là je vois 2 jeunes en courser un autre pour le tabasser. Celui-ci hurle à l’aide. Ils entrent dans le quartier des Beaux Arts, les gens garés dans les voitures sur le côté se dépêchent de déguerpir. Je course les 2 jeunes pour me faire tabasser à la place du « lièvre » pour le sauver. Finalement, je perds leur trace et reprends le chemin du retour.
Les jeunes ne m’attendent plus au coin de la rue, j’évite dont une altercation.
En remontant une rue, je remarque de jeunes SDF au look militaire faisant une « 8,6 bavaria fiesta », entourés de leurs chiens. Je passe devant l’église des intégristes chrétiens que j’ai infiltrés à une époque et rentre pour écrire ce texte, pendant qu’en bas dans la rue un mec s’amuse à foutre le feu à un arbuste décoratif qui s’embrase aussitôt. La fumée parvient jusqu’à l’appartement …..Je commence à rédiger mon texte, le jour se lève et la brume éclairée du petit matin fait ressortir les tuiles anciennes des toits tout autour.
Vincent Blénet
