INTEGRATION METAPHYSIQUE
5 mar 2007 par vincent
En Septembre 2002, je redécouvre la foi catholique, je l’incorpore à mon œuvre « Section 19 ». En l’écrivant je suis devenu ce que j’inventais avec une réelle fascination pour Jésus Christ. Il fait partie intégrante de mon univers.
En raison de l’engouement récent – par le biais du livre et du film « Da Vinci Code » – suscité par les médias, je vais raconter l’expérience que j’ai vécue et partagée au côté de néo chrétiens fondamentalistes.
Pendant l’été 2003 après la longue et douloureuse période de stage, dans le cinéma où je bossais, et la perte de 2 amis que j’y avais, je décide d’aller dans une église près de chez moi.
En effet, à cette époque j’étais très écorché car durant ce stage, qui m’a pourtant appris à projeter des films, j’ai dû – entre autres – affronter la cruauté imbécile d’un type qui travaillait dans le cinéma. Il ne cessait de m’humilier, de la façon la plus mauvaise, vraiment « limite », et j’ai fini par souffrir véritablement de son comportement car il entraînait dans sa méchanceté beaucoup de gens qui bossaient avec nous.
Je suis à Notre Dame des Tables. Je connais cette église depuis l’enfance car je me souviens y être allé avec mon école.
Mais cette fois ci j’étais seul dans cet immense silence qui donnait une résonance particulière à chacun de mes gestes.
Je suis là, assis, en attendant un prêtre pour me confesser.
Puis, quelques minutes après, un homme entre. Il s’appelle Olivier et va chercher des produits ménagers et nettoie les hôtels de prière. C’est un intégriste, je l’apprendrai plus tard.
Je m’approche de lui afin d’engager une conversation et le courant semble passer entre nous car nous discutons un bon moment, de religion bien sûr mais aussi d’autres sujets de la vie.
Il m’invite alors à le rejoindre dans son groupe de prières qui se rassemble les lundis et jeudis, où les chapelets récités sont différents d’un jour à l’autre.
Ainsi le lundi nous sommes trois à nous réunir alors que le jeudi c’est « le jour de l’adoration » comme ils l’appellent. Ce jour là le groupe au complet se retrouve. Environ 8 à 9 personnes.
Une journée particulière car, outre les chapelets et la messe habituelle, le prêtre met une hostie dans un objet sur socle censé représenter le Divin.
Tout le groupe est alors recroquevillé face à cet objet et ils prient comme si c’était là leur dernière heure sur terre ! Ils sont comme en transe devant cette hostie mystique qui, à leurs yeux, est l’incarnation du Christ. Mais une incarnation concrète en quelque sorte car pour eux, c’est comme si le Christ était présent dans l’église et qu’ils pouvaient l’étreindre.
Ce groupuscule chrétien intégriste bouge d’église en église selon les jours. Un jour à Sainte Bernadette, un autre à Sainte Anne, encore un autre ailleurs, toutes les églises de la ville y passent !
Il appartient à un réseau, bien qu’il semble assez indépendant. Un réseau somme toute inoffensif puisqu’il n’est pas répertorié par la police. C’est juste des gens qui partagent la même vision de la religion et les mêmes croyances. Par contre ils sont très sectaires, voire lapidaires, dans les jugements qu’ils portent à autrui.
Première rencontre un jeudi donc. Je fais la connaissance des gens qui constituent ce groupe et nous nous installons pour prier.
Ils m’expliquent comment je dois faire selon leurs règles, ce qui m’étonne un peu car je ne suis pas habitué à ce genre de pratique.
Je ne connais d’ailleurs pas leurs incantations, qui entourent chaque « Notre Père » et « Je Vous Salue Marie »…..
Toute cette séance démarre par un long monologue apprit par cœur, au cours duquel ils font allégeance à leur foi et à l’église catholique.
Ensuite ils lisent un texte en plusieurs couplets très courts, récitent un « Notre Père », plus 10 fois le « Je Vous Salue Marie », encore un autre récit salvateur et 3 fois « Oh Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous ». Tout cela 5 fois d’affilée avant et après chaque messe…..
Cela donne un total de 10 « Notre Père » et 100 « Je Vous Salue Marie », le tout devant la statue de la vierge !
Face à mon ahurissement devant ces excès Olivier sourit. « Chaque prière que tu récites plusieurs fois symbolise une rose que tu déposes auprès de la vierge » m’explique t il le plus sérieusement du monde.
Je n’en saurai pas davantage sur ces répétitions intensives mais, par esprit de solidarité, je m’exécute.
A ce moment là j’étais dans deux des quatre idéologies de mon livre « Section 19 », je rêvais de revendiquer le fait que j’étais un leader d’une nation oubliée et occultée, celle des internés en HP. Je me voyais mener des manifestations, mégaphone à la main, les militants derrière moi, le poing levé !
Avec les intégristes je me sentais comme faisant partie d’un gang, une sorte de communauté à part, cela me distrayait et me réconfortait des cruautés de l’autre connard du cinéma.
J’avais envie de me faire tatouer des couronnes d’épines sur les bras avec des crucifix !!! Histoire d’afficher mes croyances au vu et au su de tous, quitte à faire peur….
Chaque jeudi était pour moi comme une fête, je discutais avec des gens qui semblaient me porter de l’attention, tout au moins au début. « Les gens de l’extérieur sont contre nous, ne les crois pas, ne crois que nous et le Seigneur. Dehors c’est la propagande, tous des corrompus qui se vendent. Nous sommes les seuls à savoir, les autres sont nuisibles. Même ta mère elle ne peut pas te comprendre, nous seuls savons » me disaient ils.
Je m’entendais bien avec le groupe sauf avec Nourette, une intégriste extrémiste qui était proche des thèses de Monseigneur Lefèvre. Elle ne m’aimait pas, me rabaissait au sein du groupe, me coupait sans cesse la parole afin de m’empêcher de m’exprimer. Je ne l’aimais pas non plus d’ailleurs et je n’étais pas le seul.
En effet, sa famille l’avait jetée – y compris ses petits enfants – « arrêtes de nous emmerder avec ta secte » lui disaient ils souvent.
Pendant nos séances elle nous apprenait que Montpellier est une ville qui regorge de groupuscules satanistes.
Cet été là, la canicule atteint des sommets, il y a des morts partout. Les vieux meurent comme des mouches partout, c’est horrible.
Nourette décide de partir 7 semaines au Vigan, un village dans les Cévennes.
En rentrant elle nous expliquera pourquoi elle y est restée si longtemps.
« Je devais rentrer plus tôt, j’étais sur une colline et pensais à revenir. Et là, une femme qui passait me dit de ne pas revenir en ville parce que la canicule est trop forte. C’est plus tard dans la soirée que j’ai compris que c’était la Vierge Marie
Qui m’est apparue pour me sauver. Alors je suis restée au Vigan » Voilà l’explication qu’elle nous a donnée. Le reste du groupe est en effervescence, Olivier lui « tu as vu la Vierge, tu es bénie du ciel, c’est merveilleux. Tu as été témoin de l’impossible ». Il se tourne vers moi qui leur paraît incrédule et me répète qu’il faut toujours croire, et croire encore. Moi je n’y crois pas du tout !
Nous continuons nos prières.
Je m’entendais bien avec Marylène et une autre qui voulait entrer dans un couvent. Marylène m’a invitée une fois chez elle, en amie, et effectivement, j’ai pensé que j’avais trouvé en elle une amie. Elle me jettera plus tard, croyant que j’attaquais Jean Paul II, car je m’indignais ouvertement contre le fait que les cardinaux le manipulaient et le faisaient travailler dans l’état de santé où il était.
Tout cela me choquait beaucoup, me révoltait même. Le pape était si malade, si faible, comme l’ombre de lui-même, et on l’exhibait à la fenêtre du Vatican ou ailleurs, cela me révoltait !
Je reste convaincu que cette attitude a contribué à accélérer sa disparition.
Un jour, nous avons reçu la visite d’un homme détruit qui sortait à peine des « Témoins de Jéhova ». Il vivait dans la précarité et avait perdu sa femme et sa fille dans un incendie. Il s’est effondré en larmes, à bout de forces, à bout de tout. Olivier va vers lui et lui propose de prier avec nous, il tente de le rassurer.
Naturellement il en profite pour faire la « promo » des idées du groupe…
L’homme écoute et se met à prier. Il nous raconte comment les ex adeptes de la secte dont il est parvenu à sortir, sont discrédités par les gourous et comment la reconstruction de son existence est douloureuse et pénible.
« Il adorent de faux Dieux, mais tu verras, le jour où le Christ apparaîtra dans les cieux avec sa croix, tous les impies baisseront la tête et trembleront devant le châtiment du Père éternel et du Saint Esprit » lance Olivier.
Les intégristes sont intimement convaincus que cette prophétie arrivera, ils l’attendent ardemment. « Tu fais partie de ceux qui savent » me dis Olivier.
L’homme me donne un petit livre sur une sainte qui a vu le Christ dans son couvent. Pourquoi à moi ? Le geste me touche profondément.
Il disparaîtra comme il est venu.
Une autre fois, je parle avec Olivier de l’absence de gens dans l’église. Il leur reproche leur abstinence aux vertus et rigueurs de la foi Chrétienne à cause des distractions qui envahissent le monde d’aujourd’hui. Le cinéma, les concerts, tout ce qui peut être distrayant en somme, est jugé, catalogué, vilipendé par le groupe.
Je lui explique que chacun a le droit de s’amuser comme il l’entend, je sens que je l’agace ! « Non, les gens ne doivent pas se distraire, ils doivent venir prier et rester fidèles à Dieu au lieu de se détourner de l’objectif du Seigneur » m’assène t il. Quant à mon rêve hollywoodien avec mon livre, les acteurs Brad Pitt, Dicaprio et Lisa Kudrow que j’aiment énormément depuis tant d’années et dont je crains à ce jour la réaction face à ma démarche salvatrice pour moi, futile pour la société. Que leurs coûteraient une amitié et une attention envers moi ? Rien ! Les intégristes nomment cela le veau d’or, l’adoration de faux dieux et idoles, rien de moins… C’est très apaisant et rassurant !!!
Un certain jeudi. J’arrive à Notre Dame des Tables et je vois l’église tagguée de phrases païennes et de symboles sataniques sur la porte et l’autel marial. Des satanistes sont passés et ont dégradé l’église, surtout l’autel de la Vierge, ce qui les révulse radicalement… Que fout la police ???
Nous nettoyons l’église correctement car la semaine suivante se déroule la célébration pendant sept jours de Notre Dame.
L’évêque de la ville doit venir et ils sont tous sur des charbons ardents !
En attendant, pendant les messes quotidiennes, le prêtre a la main un peu lourde sur le vin blanc quand il s’agit de boire le sang du Christ…
Nous sommes dans cette fameuse semaine sacrée, le jeudi bien sur. J’entre dans l’église et je vois une forêt d’intégristes debout, les bras tendus en croix, récitant des prières en latin comme en transes.
Je fais semblant de comprendre ce qu’ils récitent alors qu’en fait je n’y comprends rien ! Idem lorsque je récite leurs prières spéciales et chante leurs chants qui me sont totalement inconnus. Les bras tendus moi aussi afin d’étreindre le Christ, je fait un tour d’horizon de l’assemblée d’un coup d’œil et constate qu’ils sont totalement pénétrés par ce qu’ils font. L’organiste s’active comme un dératé sur son instrument, le prêtre lit un livre de prières. Les intégristes, toujours en transes, ferment les yeux, certains serrent dans leurs mains jointes leur chapelet pour recevoir l’absolution divine qui leur enlèvera comme par magie tous leurs péchés. Car bien sur ils se considèrent comme pécheurs, croyant que vivre dans le monde avec les « infidèles » est une punition.
Le prêtre lance « priez pour nous », ils répètent en chœur, et à la troisième fois Marylène se lève les bras en croix avec un sourire extatique. « Et priez pour tous les francs maçons qui sont égarés de la lumière du Seigneur et du Saint Esprit » crie t elle avant de se rasseoir. Le prêtre est visiblement gêné face à l’assemblée présente, dont beaucoup d’entre eux sont des touristes de passage, étrangers pour certains et visiblement perplexe devant un tel comportement !
Il marque un temps avant de reprendre son sermon, l’organiste reprend son jeu frénétiquement, soulagé que l’incident soit passé sans provoquer de réactions particulières.
Les chants et les prières reprennent leur cours comme une vague, le groupe avec les bras toujours en croix et debout.
Je n’ai pas venir le samedi suivant, ratant ainsi la venue de l’évêque. « Ah ! Tu as manqué le royaume des cieux, tu ne seras pas dans la lumière du Christ…tant pis pour toi ! » me dit Olivier avec un sourire.
Je les ai quittés après avoir eu une altercation avec eux, due à ma réticence à voir souffrir le pape jean Paul II. Je sentais qu’ils n’étaient plus en phase avec moi parce que je ne partageais pas totalement leurs idées et leur vision de la religion. Je refusais aussi de m’impliquer davantage et cela ils ne me le pardonnaient pas. Mon baptême me suffit mais à leurs yeux je suis encore trop loin du compte. Ils sont soudain agacés, mon manque de dogme, ma nature plutôt laxiste, pas assez stricte dans la pratique de ma foi, mes colères affichés contre « le système »…quant à Jean Paul II « mais c’est normal qu’il souffre, il doit souffrir, c’est Dieu qui lui donne cette souffrance pour sauver le monde du péché » aboie violemment Nourette en me regardant avec rage.
« Vous les jeunes, vous voulez éliminer le pape, vous n’avez pas de conscience divine » lance Olivier.
Je suis énervé et je les remets à leur place. Nourette ferme sa gueule, le silence s’installe pesant et je quitte l’église.
Je ne suis plus jamais retourné dans cette église depuis ce jour là. D’ailleurs elle est en travaux en ce moment et le groupe s’est rapatrié dans les autres églises de la ville avant de se dissoudre peu à peu.
De temps en temps j’en croise certains dans la rue.
J’ai fait peur à Olivier en m’approchant de deux types bourrés – ou shootés – qui tabassaient à coups de barre de fer et de coup de poing américain un jeune homme qui avait osé leur répondre. C’était une nuit, la nuit on rencontre de drôle de mecs…
Je me suis avancé pour que leurs coups se portent sur moi afin de protéger ce jeune homme, et aussi parce que je voyais mes rêves flamber comme les poubelles pendant les émeutes de banlieue.
Les deux mecs ne me tabasseront pas mais le pauvre jeune a la gueule tuméfiée. Olivier fuit comme un dératé…
Un autre intégriste croisé me dit que le prochain pape sera un apostat, qu’on sera perdu, que l’apocalypse et la débauche règnerons sur le monde… La fin du monde en somme !
Aujourd’hui Benoît XVI est élu et pourtant les intégristes chantent sa louange et leur fidélité…
Si le pape Jean Paul II est mort, c’est aussi à cause de tous ceux qui, comme ces intégristes, ont voulu qu’il continue de souffrir pour de mauvaises et stupides raisons. Ils l’ont poussé à s’user jusqu’à la fin, l’exhibant sur des scènes au milieu de foules allant jusqu’à quarante mille personnes et des amplis gros comme des ours.
On n’exhibe pas un saint homme, la gorge trouée et sans voix, exténué, à une fenêtre ouverte sur le monde !
Cette attitude de l’église, et de certains « croyants » est une honte pour la chrétienté toute entière. Elle effraie et peut faire fuir ceux qui sont sensibles et ne peuvent comprendre un tel comportement devant la maladie, la vieillesse.
Où est la compassion enseignée par Jésus dans tout cela ? Ça fait froid dans le dos et ne sert pas la cause du Christ à mon sens.
Vincent Blénet