LA PÈRE-VERSION
19 mar 2023 par vincent
Je dois fuir la lumière, partir loin et ne jamais revenir en arrière. Les rêves sont hélas de violents poisons mortifères. Je dois me cacher, leur échapper, m’exiler aux fins fonds des enfers pour mieux apprendre à me taire.
J’ai tant peur de la lumière ! J’ai la terreur de ce qu’elle est capable de me faire subir. Derrière la lueur de ce cruel soleil, il y a la douleur mais il y a également l’œilleton de mon cher Père.
Ce n’est pas tant la brûlure qui me pétrifie, ce qui me paralyse c’est l’éventuelle meurtrissure indélébile, celle qui n’aboie pas au grand jour, celle qui s’aggrave au grand dam de la nuit.
L’enfer c’est encore ces effets secondaires, celui prodigué par cet indésirable éther.
Je n’entends jamais de mots d’amours d’elles, je ne reçois que des maux d’amours d’HELL.
La plupart des nuits, le désir insiste mais le plaisir se désiste, il n’aime pas trop faire sa petite affaire sous le diktat de l’éther. Trop de conditions, trop d’équations.
Vivre n’y est pas compatible. Jamais.
J’ai beau battre mes ailes vigoureusement, j’ai beau incendier ma flamme oculaire, encore et encore de plus belle. J’ai beau succomber devant l’extase de sa quintessence charn’elle.
L’éther lui, il ne veut rien savoir, il exige, il m’ordonne de me soumettre à la résignation « Objet tu es, objet tu resteras, jouet tu deviendras » me ressasse-t-il. La chimie m’affaiblit.
Désirs castrés, plaisirs mutilés, mon érotisme ne se dessine qu’avec mutisme. À bout de souffle, j’agonise et je laisse l’angoisse dévaster mes prières. Espérer s’élime et s’élimine.
La courtisane, soumise envers des ânes, enfièvre les églises au fanion de l’oiseau bleu.
La courtisane ne batifolera qu’avec des âmes prêtes à gerber leur âme, des ouailles prêtes à signer un corrosif pacte contre la promesse d’une heure virtuelle VIP pour bander proprement.
Sa grâce charn’elle, ce somptueux Graal vaginal, cela s’achète, cela se paye, et ça monnaye.
Si un ange déçu n’a pas l’argent, il sera exclu, reclus tel un rebut faute de n’avoir pas assez d’art-gent pour satisfaire les exigences tarifées de la catin écervelée. L’éther s’enjaille à faire son affaire. Il dévaste mes prières et initie mes travers. L’éther en bon aryen n’est bon à rien.
Aucun mot d’amour d’elles, que des maux d’amours d’HELL.
Le fardeau de la peine m’est indispensable, inévitable, inextricable.
Je me dois pleinement de l’assumer pour réussir à avancer droit devant, en élève discipliné. Marcher sur le chemin de brasiers intemporels. Marcher encore et encore. Toujours avancer.
Je me dois de la rendre fière, je me dois de l’honorer. Je ne la reverrai jamais, je sais qu’elle est préservée dans un jardin de volupté, je sais que je suis et resterai à tout jamais un hideux palefrenier, un horrible damné. Je le sais et j’apprends à chaque aube à l’accepter. J’essaie.
Pourtant lorsque la mort vient, elle se frotte à mes peurs, à mes inquiétudes.
Elle danse avec insolence, elle ondule calienté, farouchement, lascivement, elle caresse mes hantises, elle pénètre mes songes tourmentés, mes cauchemars intimes et fragiles.
Je cache ma peur, du moins j’essaie, mais celle-ci n’est pas une religieuse muette, au contraire. La peur hurle, de toutes ses tripes la peur éclate sa fureur et la faucheuse en rit de plus belle. La mort jouit encore plus. Au lieu de prier, au lieu d’écouter ses charmes, au lieu de me terrer, j’aime parfois la regarder et la surprendre. Elle devient déconcertée lorsque je colle mon front sur son crâne et que j’ajuste sa faux sur ma gorge. La faucheuse perd de sa rhétorique implacable en voyant que je lui rigole à la face et en la dévisageant avec mes yeux de feux et de sang virevoltants « est-ce que tu as davantage de douleurs à me revendre ? J’ai faim très chère, je suis un vilain gourmand et mon gourmet reste indécent » lui dis-je.
La mort, crâne collé à mon front, nos yeux qui se chamaillent, entre mes braises oculaires et ses yeux d’abyssaux néants. J’ai pris aisance à m’aventurer dans l’autre jardin, celui qui est déjà souillé depuis des millénaires, le jardin damné où les fleurs sont desséchées.
J’ai aimé me balader au centre des hostilités, tutoyer d’autres bagnards et échanger avec le chaos comme un familier régulier. Je prends un terrifiant plaisir à en ressentir un profond désir jouissif à cuisiner mes frayeurs, ma violence, mon ivresse colérique et autodestructrice.
Ça frise l’indécence. Malsain deviendrait presque mon surnom de baptême Mississippien.
J’aime me malmener, autant que mes autres camarades de jeux infernaux.
Le Styx en perd son latin. L’écho des clochers appelle les damnés et les refusés à venir communier, peu à peu, la bénédiction nous remémore la cruauté de la lacération infligée sur notre innocence d’âme, celle qui s’est recroquevillée en position fœtus, en PLS terrorisé, terrifié. La prière est synonyme d’allégeance envers nos violeurs, des ecclésias-triques pervers. Prier nous est insupportable puisqu’ils en profitent pour nous abuser, pour nous torturer la conscience « poussière, même l’enfer est trop bon pour toi, tu ne mérites pas cette grâce, cette offrande de père, misérable infamie. Délectable poussière » me chuchotent-ils au creux de l’oreille tout en abusant de ma peur et de mon innocence. Ils s’en nourrissent.
Dehors, au loin du désert infernal, le chant des anciens phœnix, jadis majestueux, finit par se faner peu à peu. Il se meurt. L’espoir s’élime, la misère nous élimine.
Le rapport qui s’échange entre ma peur et la mort est presque indécent, elle savoure chaque faille émanant de moi, presque elle me pénètre, et de plus en plus incestueusement.
Elle aime me dominer, elle se plaît à elle-même lorsqu’elle m’observe plier des ailes, genoux à terre, baisant le sceau de sa chevalière, la suppliant de m’épargner encore et encore de ses pétrifiantes rafles. Je n’en dors presque plus tant la psychose me ronge, cela me dévore l’estomac. J’en deviens un repas cannibale par l’esprit, je suis dévoré vivant, l’insomnie me prends en otage. Ainsi lorsque je suis en crise, fou furieux au milieu du désert, lorsque je gerbe un panel de blasphèmes dévastateurs, j’exulte, je jouis ivre, accro à l’adrénaline d’une folie incendiaire animant mes excès et mes camouflets envers les créateurs.
La violence, la colère et ma virulence provocatrice deviennent une douce morphine.
Être au-dessus du vide, défiant l’infini et le vertige, apostrophant l’arrogance démesurée d’un paternel immortel, très cher Éternel, papa, devant toi en plein outrage, en folle outrance, l’inconscience et la démence, l’insolence mariée à mes blasphèmes, ça m’évade de ta sentence.
Ça m’exorcise de toute l’horreur qui m’habite et que je kiffe à m’infliger.
Sauvage est l’esclave.
Oui je me hais, oui c’est plus facile de me punir par moi-même, oui je m’enivre davantage à me séquestrer, à me disséquer, à me démanteler. J’exulte d’aller moi-même me cramer puis de cracher violemment sur ma propre dépouille, oui, moi-même. Oui j’y prends goût.
J’y ai mille hérétiques plaisirs, je m’en délecte chaque seconde où je suis un maître orfèvre dans la peinture de ma blessure, où je suis l’artiste désaxé de ma démesure et où je contrecarre ton incontrôlable sourire lorsque c’est toi, papa, qui t’enjaille à insulter et à dénaturer mon existence. Oui, grâce à mes crises de psychotique, grâce à elles, je sens, je ressens, le temps éphémère, que je suis invincible, que rien ni personne n’est en mesure de m’empêcher de respirer, rien ni personne n’est apte à m’interdire de vivre.
Je sens que tous tes châtiments ont bousillé ma raison, ma logique, mais par la disgrâce j’effraie l’inquisiteur, je fige mon croquemitaine, je lui ai court-circuité son effet.
Je lui ai coupé l’herbe sous son pied intemporel, j’ai soufflé dans son sifflet. Je l’ai devancé.
J’ai passé plusieurs milliers de siècles à croire que mourir c’était fuir. J’ai bêtement cru que mourir c’était partir, loin, loin pour ne plus jamais souffrir, pour ne plus jamais subir.
J’ai joué de l’ivresse provocatrice, tel un talisman purgatoire, expiatoire. J’ai pris l’excès pour un défouloir exorciste, pourtant j’étais un sombre égoïste, narcissique à l’inversé.
Emmuré dans cet infernal cercueil, toujours cloîtré dans le même espace confiné, à ne respirer que le même air vidé, recyclé. Je n’ai plus de perspective, la vie m’est une inconnue.
J’aurais aimé ressentir ce que ça fait de vivre. Qu’est-ce que j’aimerais vivre et non survivre !
Plus j’exhibe de la violence, plus j’orchestre la mesure de l’incendie symphonique, plus je revendique être l’image la plus terrifiante que le cadastre universel essaie de masquer pour bien refourguer sa diarrhée marchande, opium des peuples. J’enjaille avec mes entailles.
Plus j’affiche ce que vous êtes, vous, vous tous, plus vous avez peur de moi, plus je vous dégoûte, plus grande est l’onctuosité aphrodisiaque de l’héroïne interdite.
Un crack d’une bien meilleure qualité que toute la quantité massive d’éther injectée à heure régulière de chaque crépuscule, camisole chimique nécrosant mes veines prodigieusement.
Évidemment ça, ça vous la coupe non ?! Autant que ma déchue verge qui excelle dans l’art de haïr vos catins calomnieuses, religieuses gangrenées par l’embargo de vos déjections séminaux, infestant l’intimité dite réservée de la tourterelle, désormais périmée.
J’esquive tous les crachats de l’inquisiteur, je zigzague entre tous ces mollards par terre.
Lorsque le visage infernal prend forme dans les nuages, qu’il s’approche près de moi pour me murmurer « il n’y a pas de Dieu, pour toi il n’y a que d’effroyables adieux. Poussière, infâme poussière, meurs ici-bas. Ton être appartient aux enfers ». Le visage esquisse son diabolique sourire. Ainsi le visage se nourrit et il alimente mon désir, une impulsive pulsation, une ivresse carnassière d’auto mutilation psychosomatique, psychotique.
Je me pose, raide comme un « i » déterminé et je lui rétorque toute ma rhétorique colérique.
Je l’affronte, je le toise yeux dans les yeux. Il sait que je sais.
Il sait que je me condamne davantage, il capte parfaitement que je m’en branle royalement.
J’ai déjà donné dans l’acceptation et dans la soumission, son royaume s’empiffre chaque seconde. Chaque parcelle de siècles, ils sont des centaines d’irrévérents-cieux à dévorer mon âme, ma raison et ma déraison. Alors oui je jouis, j’exulte et je respire.
J’ai un onctueux caramel. J’ai l’orgasme le plus délicieux.
Lorsque je le regarde, lorsque je dévisage le visage démoniaque, lorsque, front contre front, je le repousse en lui hurlant les pires insanités, les pires hérésies. Qu’est-ce que j’en jouis !
Je savoure chaque grain de sable se déversant en inversé dans leur sablier.
Il est même choqué lorsque j’attaque virulemment Dieu, gratuitement, dans une indécente insolence, boosté par mon trop-plein d’injustices. Celles-ci mêmes qui m’ont tellement bercé.
Lorsque j’atomise tout son écosystème réglementaire par des gifles alphabétiques, des baffes de cynisme, des revers de pessimisme, je suis plus fort que lui-même pour mieux me détruire.
J’allume moi-même l’étincelle de l’allumette pour mon propre bûcher devant toute la cour céleste et fixant le divin Éternel en lui profanant que je suis la plus horrible atrocité qu’il ne pourra plus jamais recréer. Je jouis et j’en rugis de mille plaisirs.
Je suis tellement ivre à m’autodétruire et à afficher bien plus d’horreurs provocatrices que tous les monarques d’Éden en restent bouche-bé, déconcertés, comme figés.
Même Dieu en est muet, immobilisé, presque lui-même, il en est saisi, figé par l’horrifique monstruosité disciplinaire qu’est l’efficacité glaciale de sa doctrine éducative.
L’espace d’une fraction de seconde, j’ai le dessus sur tous mes oppressants, le temps d’un instant je suis plus radical, plus effroyable, plus implacable et perturbant que l’ensemble des âmes vicelardes qui font la pluie et leur beau temps.
Je me sens presque léger, comme délivré, pardonné si je puis m’exprimer ainsi. Apaisé.
Je suis damné mais je le vaux bien, autrefois je ne valais rien. L’espace d’une fraction d’éternité, mon immortalité n’est pas limitée à n’être qu’uniquement un vulgaire cathéter pour gicleurs d’éthers du dimanche, gavé et fourré comme l’oie non comestible à leurs festivités.
Mon esprit qui est soudé au sein de mes enfers, il se languit d’affiner vos angoissants caprices.
Quant à mon corps, ce maux-dit scaphandre des barbaries, il est l’esclave de vos supplices.
L’errance, toujours la traversée d’un désert amer. La survivance me glace le sang.
« Je suis ta souffrance, je suis ta douleur. Je ne suis point ton confesseur mais bel et bien ton sombre et torturé inquisiteur. Je suis mon pire blasphème, je suis ma pire hérésie ».
« Je suis l’effrayant reflet des hantises les plus crasseuses. Je suis l’hideux fils que vous n’espériez pas. Je suis l’erreur que vous rêvez d’abattre ».
Je l’entends, je ne fais que trop l’écouter. Je lui accorde beaucoup trop d’importance.
Ce machiavel visage, souriant sadiquement, il me rugit froidement au-dessus de chacun de mes pas, traversés sur les braises d’un chemin damné de Compostelle. Père-version. Encore.
Alors que mon âme hurle avec une prodigieuse virulence toute l’accumulation hargneuse des injustices, dans une succession enchaînée de terribles hantises. Père-version.
Mon corps, lui qui hait cette encombrante épave malheureusement soumise face à une girouette théologique, la religion 2.0 organisée par diverses prêtrises, celles-là mêmes totalement schizophréniques en perpétuelles crises d’amphétamines épileptiques.
Mon corps, celui-là même que vous avez bayonné, cette carcasse progressivement nécrosée, usée par leurs nombreux abus, à ces voleurs d’innocence, à ces destructeurs de l’enfance, eux-mêmes qui m’ont ancré et menotté à ce sordide désert. Père-version.
Rien de meilleur pour aguerrir et nourrir le plaidoyer des blasphèmes et des hérésies.
Père-version, encore et encore. Père-version, toujours à te rabâcher l’ère de rien.
Parce que je tiens à la vie, mais parce que j’ai horreur de cette survivance exécrable, je vais pointer aux charbonnières et je me délecte d’aller torturer tous ces accusés de Dieu.
En bas, je suis bien plus qu’un bagnard, davantage qu’un charognard. Je suis un orfèvre.
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