UNE VIE ORDINAIRE
5 mar 2007 par vincent
Ma vue effraie les gens. Ce soir, en rentrant chez moi, je passe devant un bar et mon chemin croise une fille légèrement plus âgée que moi. Elle discute avec des amis, assise à une table.
Au moment où je passe, un mec me barre le chemin. Après m’être excusé, je tente de passer en bousculant légèrement la jeune femme et mon regard croise le sien. Elle semble effrayée et dégoûtée par moi, mon allure.
Avec ce regard toujours blessant des autres sur moi, depuis si longtemps, les blessures accumulées, j’ai appris à déchiffrer les regards !
Voilà donc ce que ma vue inspire : le rejet, la peur ou le dégoût…
Il me faut préciser ici que mon palmarès de destruction et de souffrances procurés par la race humaine, qui m’a exclu, ont fait que je me considère comme étranger, ou plutôt tellement différent des autres, comme venant d’une autre planète. J’ai le sentiment d’être comme un fantôme. Peu de gens connaissent mon existence, alors quelle ironie de rêver être en contact – voire ami – avec des stars hollywoodiennes (enfin, celles qui m’ont fait rêver et pour lesquelles j’ai depuis l’enfance de l’affection et de l’admiration) !!!
C’est un peu comme si je n’existais pas vraiment, tout en étant naturellement en vie.
C’est un peu la même chose pour mes écritures : j’écris depuis 9 années ; beaucoup d’histoires, de scénars, de textes plus personnels, de critiques (qui ont été publiées sur un site), des interviews très préparées, des description de plans de photos très détaillées sur des projets qui me tenaient à cœur et ne sont pour le moment pas réalisables.
Plus un tas d’écrits que je n’ai jamais tapé sur l’ordi et sont resté dans mes tiroirs.
En fait, si je réfléchis profondément, je me sens prisonnier dans ce corps qui est le mien, immense et encombrant, et sur cette terre au milieu de systèmes et de gens que je ne comprends pas. D’où un immense sentiment de solitude qui ne me lâche que rarissimement.
Je me sens mal à l’aise dans ce monde, avec la plupart des gens.
Je me sens toujours comme bloqué, intimidé, lorsqu’il y a trop de monde autour de moi. J’ai toujours la hantise des regards cruels, cyniques et des mots qui tuent !
L’étincelle qui perdurait en moi est morte le jour où une quantité de gens, plus ou moins proches, m’ont fait comprendre que mes rêves étaient fous, interdits, et qu’il fallait absolument que je les oublie, que j’abdique.
Je ressens ma vie, ma personne même, comme un terrible échec, un monstre absolu, la honte de l’humanité.
J’ai conscience de faire peur, mais à présent j’en joue, cela m’amuse. Comme un défi que je me suis lancé pour reprendre le dessus, passer par-dessus la méchanceté et la bêtise des autres, ceux qui veulent faire mal, humilier. A ceux là, je leur renvoie le malaise en exhibant ma souffrance avec un regard qui les rend mal à l’aise, comme coupables.
Je hais ces êtres qui pensent pouvoir diriger la vie des autres, leurs rêves. En fait, j’ai le sentiment de représenter tout ce que les gens craignent d’être, ce qu’ils veulent fuir ou tout simplement ne pas voir…
Mes amis le savent, je suis un noctambule. La plupart de mes nuits se passent chez ma grand-mère, mais seul. Dans la rue, en bas de chez elle, la vie continue, s’active, existe. Mais je n’en fais pas partie.
J’écoute la radio locale, RTS, en plus des longues marches nocturnes que je fais, à la fraîche.
Lorsque j’écoute la radio, je regarde souvent le ciel, son immensité, ce vide sidéral qui inquiète et fascine, et je repense aux fantômes de mon passé, les visages disparus, les êtres aimés, les chemins de vie possibles et manqués…
Le principe de l’émission de radio est que, durant quatre heures, plusieurs DJ mixent des morceaux sur leurs platines. Un DJ célèbre par heure, c’est le principe de l’émission.
A chaque changement de morceau, il y a un annonceur – comme une ponctuation – qui scande « un tel mixe live », en fonction du DJ qui opère. Cela me plaît et je vais tenter de l’adapter à ce texte, si toutefois je suis apte à l’écrire car, à ce jour, non seulement je doute de pouvoir le faire mais j’ai la hantise de ne plus pouvoir écrire comme avant, comme si l’écriture m’échappait !
Ce qui est clair pour moi c’est que personne ne semble vouloir de mes écrits, nulle part. Je suis un indésirable dans le « sérail » car je n’ai pas le bon profil.
« Solitude mixe live »
Quand j’étais petit, j’ai habité Marseille pendant cinq ans. J’étais encore vivant à cette époque. Seul, parce ma mère travaillait du matin au soir et mon père aussi. J’étais donc confié à des femmes engagées pour s’occuper de moi et me garder.
Les années défilèrent et les « nounous » aussi…
Avec le recul, je me souviens de Geneviève – sympa – mais mon coup de cœur restera toujours pour la dernière, celle d’avant notre départ pour Lyon : Danielle. Je sais que je n’oublierai jamais Danielle, même si je ne sais plus où elle vit aujourd’hui, elle me manque toujours.
A l’école ce fût le début du long calvaire qui durera et s’amplifiera jusqu’à ma « mort », et même après. Les grands me prenaient dans des coins sombres, me faisaient peur pour me racketter mon quatre heures. Les filles m’insultaient, je n’avais pas d’amis car j’avais l’impression que tous me fuyaient comme si j’avais la peste ou comme si j’étais radioactif !
Une fois, prétextant un jeu, ils m’ont fait faire l’esclave : je devais tirer par les épaules une chaise. Vu que je n’allais pas assez vite à leur goût, ils m’ont fouetté et insulté (des sadiques précoces) et s’excitaient entre eux pour me blesser encore davantage.
Un autre jour, n’osant pas demander à l’institutrice d’aller aux toilettes, je me suis pissé dessus et il y avait une marque sur mon pantalon. Les fauves n’ont pas tardé à réagir pour se foutre de moi et m’humilier encore. Une autre fois, mon jogging s’est déchiré et on voyait mon slip. Rebelote, ça n’a pas loupé, j’ai eu droit à un max d’humiliations qui sont marquées en moi au fer rouge.
Il y a mille exemples de ce type de situations douloureuses, comme une fois à la cantine, où ils m’ont forcé à boire un verre d’eau, je l’ai bu. Et là, ils jubilent, hilares, et me disent qu’ils ont tous craché dedans…
L’année de CE1 fût terrible, car l’institutrice me haïssait. En fait, j’ai compris après qu’elle ne supportait PAS que ma mère soit en photo dans Paris Match ou dans Elle, des magazines pour lesquels elle était directrice commerciale pour toute la région PACA. D’ailleurs elle était horrible avec maman à qui elle faisait toujours des remarques hostiles et la gueule.
Pourtant il ne s’agissait que de reportages photos de soirées de relations publiques qu’elle avait organisées pour la région, pas de quoi en faire un plat !
Elle avait même monté tous les élèves contre moi.
Un samedi, sur les instances de maman, mon père est allé la voir pour lui dire sa façon de penser, dans son style brutal et la prier d’être plus normale avec moi.
Le lundi matin, nous sommes tous en classe et avant de commencer à faire son cours, elle raconte en les déformant les propos de papa, se faisant passer pour la victime de parents dénaturés. Son but étant bien sur de me rendre encore plus antipathique aux autres et donc de me pourrir la vie.
En effet, ils me dévisagent tous avec une rancœur manifeste, voire du mépris et de la haine. Comme si j’étais un épouvantail, le salaud à fuir.
Ma seule amie s’appelait Héloïse. Elle me manque beaucoup et je pense tellement souvent à elle !!! Nous étions complices, on se comprenait toujours, se complétait. Certes elle était jolie mais ce n’était qu’une tendre et profonde amitié. Assez marquante pour perdurer encore aujourd’hui dans mon esprit et d’une certaine façon dans mon cœur.
Je crois maintenant que si j’avais pu garder le contact avec elle, elle aurait pu être l’élément modérateur qui m’aurait permit de ne pas chuter aussi profondément. Sans doute m’aurait elle aussi donné de la force pour faire face à toutes ces souffrances si prenantes.
Il y avait aussi Raphaël, qui après avoir été cruel comme les autres, a compris qui j’étais vraiment et s’est rapproché de moi au point de devenir un ami. Perdu de vue lui aussi, hélas !
Dans cette « population », j’ai connu un sympathisant nazi. Un jeune garçon blond, de type aryen qui a profité de mon absence de connaissances historiques, pour me dessiner une croix gammée sur la main au stylo en me disant que « c’est cool »….
En rentrant chez moi, ma mère m’a immédiatement enlevé cette marque infâme en me disant que je comprendrais plus tard ce qu’elle signifiait.
« Blessure existentielle mixe live »…
Les changements d’écoles ont été pires.
A Lyon, ils ont mis 2 semaines avant de me manifester leur détestation. E t après ça il y a eu mon « terminus » : Montpellier où je suis arrivé avec ma mère (mes parents s’étant séparés) et resté depuis, cela fait maintenant 14ans ! Je crois que je vais passer toute ma vie dans cette ville parce que, étant « interdit » dans un pays où je voulais aller avec maman (mon grand-père y vit depuis 20 ans) et pouvoir espérer enfin rencontrer ces gens que j’aime tant et admirent sans réserve, tels Tom Cruise, Kevin Spacey et Brad Pitt ou bien encore Di Caprio dont j’espère toujours - malgré tout – qu’ils croiseront ma route…
Et avec le bordel de sécurité qu’ils ont mis en place maintenant depuis les attentats terroristes, dans les aéroports et partout, même au point d’interdire les bagages à main en cabine !!!
Qu’est ce qu’on doit s’emmerder pendant les vols !!!
Pour en revenir à notre histoire, j’arrive à Montpellier, j’ai 10 ans. A ce moment là j’étais encore en vie. Là les gosses étaient plus ouverts, à l’école primaire je précise… mais ils avaient quand même ces instincts primaires et vicelards qui sont tapis au fond de chacun de nous tous.
Un fan de Van Damme me détestait, et avec 2 autres gosses qui me bloquaient les bras et les jambes, il m’a mis un méchant coup de pied dans les couilles, uniquement parce que ça le distrayait, une journée ordinaire en somme !
J’ai hurlé ma douleur et appelé à l’aide mais personne n’a pointé son nez pour venir m’aider, ou me secourir. Ils jubilaient, ces cons, et contemplaient le spectacle de moi tordu de douleur.
Une autre fois, ils m’ont mis à terre à plusieurs, m’ont donné des coups en me bousculant et riant de voir ma frayeur. Un jour, portant des santiags, j’ai voulu me défendre pour une fois et donné un sacré coup de pied à un dur à cuire qui me cherchait. Malheureusement j’ai mal visé et mon pied est allé dans ses burnes. Je ne souhaitais pas vraiment le frapper à cet endroit que je sais très sensible – et pour cause ! – mais c’est arrivé comme ça. Il s’est mis à terre à gémir comme un porc, je me demande si il n’en rajoutais pas, et là ils me sont tous tombés dessus comme des forcenés, vachement haineux et agressifs « tu es un malade, un fou dangereux, une merde, tu devrais être enfermé dans un asile » m’ont-ils asséné. Savaient t ils qu’elle serait ma destinée ? D’autant plus que la veille, chez ma grand mère, j’ai vu depuis la fenêtre de son 3ème étage, une ambulance de l’HP arriver pour interner la voisine d’en face. Les infirmiers l’ont attrapée de force, je me souviens de ça, et elle hurlait et se débattait pendant qu’ils la jetaient dans l’ambulance comme un sac poubelle. J’étais horrifié de voir cette scène et redoutait plus que tout que cela m’arrive à moi.
Ironie du sort je suis allé en HP ; Mais pas dans les mêmes conditions il est vrai.
Je regardais l’ambulance s’éloigner dans la rue jusqu’à ce qu’elle disparaisse de ma vue.
Mon futur internement s’approchait à grand pas sans que je m’en doute vraiment. Ma destinée était déjà toute tracée sans que je le sache encore.
Plus tard, lorsque j’étais moi-même en HP, j’ai croisé cette fille et c’est ma grand-mère – qui venait me voir en cachette – qui me l’a fait remarquer.
Maman, elle, elle a été « à la question » (comme au moyen âge sûrement), il fallait qu’elle téléphone pour que je ne la vois pas, qu’elle ne me voit pas), dans le bureau du psy avec tout un aréopage d’étudiants en médecine comme c’est l’usage dans les CHU, qui prenaient des notes. Elle a été véritablement agressée de questions, d’accusations, un cauchemar dont elle parle parfois avec horreur et douleur. Tout ce monde, comme des inquisiteurs, notaient soigneusement tout ce qu’elle disait, elle a gardé le souvenir horrible d’un tribunal qui la condamnait d’avance d’être ma mère, de ma maladie, de tout.
La vie scolaire au collège fut une souffrance démultipliée, un véritable calvaire dont je ne me suis jamais remis véritablement. Tant dans le mode de travail scolaire que dans les relations avec les enfants. L’école s’est déjà une préparation à la vie en société….Cruauté et domination. Elle est comparable aux jeux du cirque de la Rome Antique. Si ce n’est pas ton adversaire, ou ton voisin, ce sont les fauves qui te trucideront sauvagement ! Une fois, je me suis retrouvé au sein d’une bagarre, tous les gosses du collège regroupés autour de moi et de mon adversaire qui me fracassait la gueule à coups de poings ; Moi, tellement intimidé par la masse autour de moi, menaçante et impatiente de me voir tomber, je suis totalement déstabilisé, comme tétanisé et incapable de me défendre. Je me contente d’encaisser les coups, sous les acclamations jubilatoires des gosses qui encourage mon « tombeur » à me démolir encore plus « vas y, crèves le ce sale bâtard, crèves lui la gueule ! » lui scandent ils frénétiquement en me regardant avec un sourire qui frise la perversité. Me faire défoncer la gueule les enchante visiblement…
Afin de me protéger, je me suis lentement transformé mentalement en un personnage qui représentait tout ce qui les effrayait, tout ce qui était contraire à leurs idées, leur mode de vie, leurs centres d’intérêts. La mort représentait pour moi une délivrance, elle était aussi une image charismatique contre l’oppression omni présente, palpable, tous les jours qui venait d’eux. Je rêvais aux sentiments de honte et de culpabilité que peut être ils pourraient éprouver si je claquais ! En dehors de me cacher, encaisser les coups, les insultes, je passais mes moments de solitude à observer le comportement de ces connards cruels et mauvais….vision de l’évolution humaine !
Je savais que la peur était une arme de défense efficace pour moi, donc j’entretenais un look sombre, toujours décalé, en marge du leur. Les ongles longs, la peau toujours blanche, jamais hâlée, et une attirance (réelle) pour les crucifix, les cimetières et la mort.
Je voulais être différent d’eux, ne pas leur ressembler, en rien. Ils me répugnaient tous terriblement. « The Crow » était mon héros, un peu comme Marilyn Manson aujourd’hui…
J’ajoutais des détails dans ma transformation, notamment l’hygiène. Je me lavais peu, d’abord parce que ça me gonflait de me faire propre pour ces bâtards, mais aussi pour les faire fuir.
Mon plus grand exploit, qui fût aussi l’ouverture sur ma « mort » approchante se passa un jour où répondant à une question collective d’un prof : « qu’aimeriez vous faire plus tard comme profession ? », j’ai répondu « vendeur de pierres tombales ». Une myriade de regards horrifiés me dévisagent avec épouvante, ils sont tous tournés vers moi dans un silence palpable….ils ont donc peur de moi ? Je les ai enfin atteints ! Je savoure ce moment en souriant mais pas pour longtemps. Le prof note « nécrologue ». Il y a une foutue différence entre faire le commerce de plaques de marbres sur lesquelles on inscrit le nom de ceux qui seront dessous, et un travail qui consiste à tripoter des cadavres à longueur de journée pourtant !!!! Cette « interprétation » très bête du prof suffit pour que l’institution académique ouvre un dossier sur mon cas et fasse du zèle.
Les gosses sont comme des vautours autour de moi, chaque geste est décortiqué et critiqué, même lorsque j’ai tenté de m’habiller comme eux. Ils voulaient vraiment que je disparaisse, que je crève en somme. Ils n’ont cessé de me torturer, me harceler et j’ai fini par essayer de me suicider avec des ciseaux merdiques. Sans succès bien sur. Ils m’ont encouragé les salauds, ce jour là était la goutte de trop.
Outre la surcharge de travail scolaire à faire le soir, en plus de la journée, et les perversités sadiques de ces enfoirés qui, manifestement s’amusaient, m’ont fait passer à l’acte. Et là, en voyant mon geste, ils jouent les hypocrites et appellent le prof. J’explique que je ne peux plus supporter tout cela, mais non, tout sera soigneusement noté dans mon dossier.
Plus tard, lorsque aucun prof n’est à l’horizon, ils m’expliquent avec force détails comment j’aurais dû faire pour ne pas me louper….J’ai tout entendu de la boite de somnifères, au trajet de la lame pour que le sang se répande plus vite.
Cet acte me poursuivra jusqu’au denier collège que j’ai fréquenté. « C’est toi qui a essayé de t’ouvrir les veines en cours ? » m’a dit un jeune qui disait l’avoir appris d’un autre…
L’info circulait aussi dans mon dossier de l’inspection académique.
Par réaction, je négligeais mon hygiène et, pour les autres, je sentais mauvais, je le savais et
Ça les éloignait de moi. Enfin, c’était le but que je recherchais.
Pourtant ils n’ont pas cessé de me harceler aussi bien physiquement que moralement, ce qui était pire en fait. C’est à cette époque là que j’ai commencé à me considérer comme un sous-homme, une sorte de déchet, de merde, vu la manière dont ils me traitaient. Genre me bousculer dans un coin et m’obliger, à plusieurs, à baisser la tête et regarder le sol pendant qu’ils me hurlaient des horreurs.
Depuis, je marche toujours en regardant par terre pour éviter le regard des autres, d’y voir ce que je sais que je vais y voir. Le monde me met mal à l’aise.
Sans doute aujourd’hui, ces gosses qui sont devenus des adultes, ont une maison, une femme ou une copine, peut être des gosses et se satisfont d’une vie vide, sans véritable passion en ayant l’illusion qu’ils sont comblés, heureux, ce qui doit justifier à leurs yeux de jeter un regard de mépris vers les gens comme moi, qui ne leur ressemblent pas.
Pour eux, ceux qui sont comme moi sont comme des « bêtes de foire », des « infréquentables ». Ne parlons même pas des rêves qui sont les miens, ils les trouveraient évidemment grotesques et coupables !
Avec leurs enfants, le cycle de la discrimination continue. Tous ceux qui s’indignent du racisme, de la discrimination sociale, tous ceux là sont discriminatoires envers les gens comme moi…
Si on me reproche de sans cesse « ressasser » mes peines et mes douleurs, mon passé en HP ? Pourquoi continuer à ressasser cette fichue guerre et l’holocauste ? C’est vrai que ce qu’on a fait aux juifs à cette époque est monstrueux, mais parle t on des milliers de malades mentaux, de « déficients », que l’on envoyaient en camps eux aussi ou qui étaient fusillés par les nazis tout simplement, ou parqués dans des mouroirs avant d’être exécutés. Parce qu’ils n’étaient pas de la race « propre » ?
Pourtant ils sont morts eux aussi, ils ont soufferts eux aussi, mais on n’en parle pas, ou si peu !
Pourquoi certains ont-ils le droit de « ressasser » leurs complaintes en étant toujours entendus et pas d’autres comme moi ? Nous sommes tous des hommes pourtant…
Toute cette génération , la mienne, qui me méprisait tant au collège, ce sont ceux qui sont comme des grégaires devant les émissions style « Star Académy » ou « Arthur » ou tout autre absurdité du genre – ça ne manque pas ! –
Ils doivent se sentir importants en rabaissant ceux qui ne sont pas comme eux, en se moquant de tout ce qui n’est pas comme eux. Et moi je ne supporte pas d’être avec ces crétins inutiles, j’ai envie d’être avec des gens plus intéressants, qu’ils soient du cinéma ou de la littérature, ou simplement des gens qui ont des choses à dire et qui savent accepter les différences car elles font partie intégrante de la race humaine.
Pour revenir à l’époque du collège, on me reprochait d’être morbide mais les enfants entre eux sont tellement plus cruels et pervers que n’importe qui ! La propagande de la signalétique télévisuelle et le contrôle parental ne servent à rien ! Inutile de nous balancer des spots TV avec des actrices pour nous faire la morale et nous dire qu’ils faut « protéger nos enfants ».
Les gosses, ils savent tout très tôt et sont vachement vicelards. Le matin en arrivant, ils racontaient leurs fantasmes sexuels dans la cour et connaissaient tout le jargon porno, à 13/14 ans….
Pendant le cour de catéchèse, lorsque le Père enseigne la signification du Nouveau Testament, les gamins avaient fait des trous dans leurs poches et se branlaient pendant la lecture sans que le Père ne se doute de rien. Après, ils se vantaient de ça, comme d’un acte de bravoure ! Tu parles de connards…
Les chiottes n’étaient jamais inspectées et nettoyées. Il y avait des morceaux d’étrons écrasés sur les murs et il fallait toujours bien fermer la porte à clef parce qu’ils s’amusaient à surprendre celui qui était en train d’opérer. Précisons que c’était des chiottes à la turque, une horreur ! Alors du coup je n’allais plus aux chiottes au collège et je me retenais jusqu’à ce que je rentre chez moi.
Dans le dernier collège où je suis allé (avant l’hôpital), ils me frappaient et m’insultaient violemment, me traitaient comme une merde.
Pendant une sortie éducative on nous a expliqué que notre avenir c’était le travail à l’usine, la chaîne ou ce genre de boulot passionnant…très encourageant pour moi qui ne pensais qu’à écrire, écrire, écrire…
On passe à côté d’un cimetière et là les fauves me sortent « tiens Vincent, regardes ta nouvelle résidence, on va t’y loger, tu ne vas pas tarder à y aller connard ». Le surveillant n’a même pas fait la moindre remarque, comme si il n’entendait pas !
Comment peut on avoir confiance en soi, avoir un minimum d’estime de soi même après tout cela ? Pas facile !
Ce ne fût pas d’ailleurs la seule menace, je ne les comptais plus.
Une fois, l’un d’eux m’a violemment attrapé et jeté sur la table dans la salle de cours, pour me défoncer parce qu’il ne supportais pas que je puisse répondre, me défendre.
Le prof arrive et nous somme de venir chez le directeur tous les deux. C’est pour ça qu’il m’a lâché.
Nous sommes donc convoqués chez le directeur qui, au lieu d’écouter ce que j’ai à dire, prend parti tout de suite et m’accuse. Pour lui, c’est forcément moi le coupable, pas une seconde il ne pense que je puisse être la victime. De toutes façons il a son opinion toute faite sur moi « à priori ». Et là, un jour déterminant, voire crucial, arrive : cinq minutes avant la fin d’un cours de maths assuré par le directeur (le dernier cours de la journée), les vautours m’attaquent tout à coup et j’ai l’impression d’être dans une cage au milieu d’une multitude d’araignées géantes et cruelles, venimeuses, qui veulent ma peau. Les attaques venaient de partout et j’ai vraiment cru que j’allais exploser, péter un plomb !
Je décide alors de partir. Je prends mes affaires et m’en vais, je quitte le collège en répondant au surveillant qui me dit de me rasseoir d’une manière comminatoire que j’ai décidé de partir et que donc rien ne pourra m’en empêcher.
Le directeur arrive aussitôt, semble « calmer » la situation et me dit de reprendre ma place et de venir le voir après le cours.
Je me retrouve donc dans son bureau une fois de plus, alors que je ne souhaitais qu’une seule chose : me casser de cet enfer. Avoir la PAIX, enfin….
« As-tu des problèmes chez toi ? » me demande t il. Je lui réponds que non, je n’ai aucun problème chez moi et je n’en reviens pas. Ce sont les autres qui me persécutent depuis des lustres et c’est moi qui ne tourne pas rond selon lui !!!
« Tu sais, si tu ne me dit rien, j’avertirai une assistante sociale et tu seras obligé de répondre, tu auras des problèmes car tu n’es pas normal. Tu as besoin de soins, c’est mon devoir de faire cela et je n’hésiterai pas à le faire »
M’a-t-il menacé ? Avec le recul je pense que oui, mais sur le moment je suis tellement abasourdi que je ne comprends pas pourquoi tout le monde – y compris les adultes censés nous protéger – se ligue tous contre moi ! Qu’est ce que je leur ai fait ?
Moi, je voulais la paix et PARTIR de cet enfer. Je n’ai donc pas répondu et je suis parti quand même, soulagé d’avoir le courage de le faire.
Evidemment, il a fait ce qu’il avait dit et ça ne m’a pas vraiment rendu service….
J’ai fini, un certain temps après je me suis retrouvé en HP à 16 ans et demi, dans des conditions terribles qui ont été un calvaire pour moi et pour ma mère.
Là, ils m’ont enfermé dans une cellule, genre cage à fauve, enlevé à maman à qui ils ont interdit de me voir et de me parler pendant 2 mois, et bourré de camisoles chimiques, me laissant 5 jours comme un légume, un mort vivant avec qui ils se montraient très autoritaires.
Je paye la cruauté et la bêtise des gosses du collège.
Ce fut une période noire, terrifiante, indescriptible tant la douleur m’anéantissait. Je sais que pour ma mère aussi ça a été comme ça, mais d’une autre façon.
L’HP m’a initié à la folie, au dégoût de moi-même, encore davantage si cela était possible.
Déjà que depuis l’enfance je n’ai jamais aimé les médecins, je me suis retrouvé enfermé comme une bête avec des matons qui manipulaient mon cerveau avec leurs drogues et ont brûlé les flammes de l’espoir de mes rêves.
Ils ont détruit en moi l’essentiel, ce qui fait qu’on se sent une être humain digne et avec l’espoir d’une vie qui correspond aux souhaits que l’on a depuis toujours.
Rêver de rencontrer des gens de cinéma, surtout célèbres et de plus américains, ça c’est vraiment pour eux le comble de la folie ! Écrire et vouloir continuer à écrire, créer des œuvres, notamment pour le cinéma, c’est considéré comme quelque chose de mal, de fou et inconsidéré. Ils appellent mes rêves des « bouffées délirantes » !
Merci l’éducation nationale….
Je suis « mort » le 22 janvier 1999, le jour de la saint Vincent – quelle ironie ! – lorsque j’ai franchi le seuil de cet hôpital, service fermé pour « gravement atteints ». Le matin même j’ignorais comment se terminerait cette journée gravée en moi au fer rouge.
Pour en arriver là, ma mère m’a dit « viens on va avec ton oncle » et me voilà à l’HP accompagné de maman et de son frère. Les psys se sont précipités sur nous, ont pris maman dans un bureau – seule – et m’ont laissé avec mon oncle avant de m’enfermer dans la cage.
Ils ont fait partir maman sans lui permettre de me voir et je l’ai vue partir après un certain temps, de ma cellule, effondrée dans sa voiture avec mon oncle qui conduisait.
Une fois, un psy m’a demandé – alors que j’étais comme un zombie – « Monsieur, est ce que vous vous masturbez ? » drôle de question dans l’état ou je me trouvais !!!
E t dire qu’on me reproche de vouloir écrire, encore et toujours, et de rêver d’être en contact (et pourquoi pas ami ?) avec certaines « stars » hollywoodiennes !
« Absence torturante, mixe live »…
Durant l’un des stages de projectionniste que j’ai faits dans un cinéma, j’avais un ami que je n’oublierai pas : Aurélien. Nous avions les mêmes goûts, nos conversations se complétaient et je suis persuadé qu’il avait de l’affection pour moi, mais je représentais tellement la honte, celui qui n’est pas comme les autres, il s’est retrouvé seul face aux autres qui me méprisaient avec cette « encombrante » affection, bien mal vue par les collègues.
Alors pour ne pas se les mettre tous à dos il m’a tourné le dos…Même sa copine, qui ne pouvait pas me sacquer, sans raison, comme ça, le montait contre moi. Quelques temps après, elle était enceinte de lui, ce qui l’a totalement éloigné de moi.
Elle était très proche aussi de celui qui faisait office d’ouvreur, JB, qui ne ratait jamais une occasion de me blesser ou de m’humilier devant les autres. Il était horrible et hypocrite car quand il voyait ma mère qui était amie avec le patron du cinéma, il lui faisait des courbettes et des sourires de faux derche.
Avant mes « blocages géographique » en 2000, j’ai fait un autre stage dans un cinéma voisin de celui dont je viens de parler. Il se trouvait dans la rue qui symbolisera l’emprisonnement mental quelques mois plus tard, et me fera vivre un véritable enfer.
Les patrons, qui étaient radins avec les employés, refusaient d’installer une fontaine d’eau et la clim alors qu’il faisait une canicule épouvantable. La seule clim était dans les salles, pour les clients. Nous, on pouvait suer sang et eau ça n’avait aucune importance. Le comble c’est que les clients se plaignaient de la clim qui était trop forte et ils avaient froid…
C’était un cinéma un peu spécial avec des films hors norme, soit dans le genre art et essai, soit dans le genre un peu « zarbe », limite porno. Le jour de la sortie de « Gladiator » de Ridley Scott, qui a fait un carton, c’était aussi le jour de la fête de la musique. Le cinéma était plein à craquer, du monde partout, à l’intérieur, dehors dans la rue, partout un monde fou ! C’était mon troisième jour de stage et le mec qui était censé travailler avec moi parce qu’on devait être au moins deux pour un jour comme celui là, il est resté chez lui à regarder le foot devant sa télévision et je me suis retrouvé tout seul comme un con avec « le peuple d’Egypte », venu voir la terre promise incarnée par Russel Crowe….
Quand il pleuvait des torrents d’eau, comme cela arrive dans cette région parfois, les salles étaient inondées en pleine séance faisant sortir les clients affolés comme des rats par les issues de secours ! Après il fallait se taper l’aspirateur spécial pour enlever la flotte….
Chaque soir, les projectionnistes devaient risquer leur peau en passant sur une étroite passerelle qui reliait une cabine de projo à une autre, par le toit. La passerelle au dessus du vide, pas intérêt d’avoir le vertige…surtout qu’ils devaient transporter des bobines de films de plusieurs kilos dans chaque bras ! Evidemment, il leur fallait être parfaitement synchro pour respecter les horaires affichés.
C’est là que je l’ai rencontrée. Audrey. Elle était belle, tous les soirs je l’observais servant les clients du restau d’en face et j’ai fini par lui parler un jour. Nous avons sympathisé et on s’est appelés. Elle m’invite chez elle à dîner et j’avais une grande affection pour elle. Elle semblait elle aussi en avoir pour moi. Je me suis confié à elle parce que je me sentais en confiance, et elle m’écoutait émue (je le voyais dans son regard et ça me bouleversait qu’une fille comme elle puisse être émue et comprendre mes souffrances). Elle me regardait avec tendresse. La fois suivante, lorsque nous nous sommes revus, je lui ai offert un CD qu’elle aimait et elle, tellement contente de mon cadeau, me fait un baiser sur la joue ! Je ressens encore ce baiser avec nostalgie et en même temps ce souvenir me fait mal.
La dernière fois que je l’ai vue, c’était un soir chez elle (elle m’avait invitée à manger des magrets de canards …je n’en avais jamais mangé !). Avant de la quitter, j’ai pressenti bizarrement que je n’allais plus la revoir. Pourquoi ? Je ne sais pas mais je l’ai ressenti et la suite m’a donné raison.
Je n’ai jamais plus réussi à la joindre, ni au téléphone, ni autrement. Silence radio.
Je l’ai alors inondée de messages par crainte qu’elle m’abandonne elle aussi. Ce qu’elle a fait du reste. Blessure profonde qui m’a marqué à vif, je ne m’en suis jamais remis.
Quelques temps plus tard, ma mère me dit avoir reçu un appel de celle d’Audrey, lui demandant de façon très sèche de faire en sorte que je ne « harcèle plus » sa fille…. Maman était sidérée et moi détruit. C’est là que j’ai sombré dans mes blocages, surtout géographiques. Je m’interdisais une quantité de quartiers de la ville, ne sortais quasiment plus, j’étais très mal.
En fait, maintenant que je peux analyser avec le temps passé toutes ces phobies que j’avais, ces « blocages » comme je les appellent, je me rend compte qu’ils reflétaient un manque total de confiance en moi, quasiment un déni de moi-même, une absence évidente d’un quelconque charisme, d’intelligence, de personnalité, de capacité et de talent pour l’écriture – ma passion – et dont il m’arrive encore aujourd’hui de douter. J’ai la hantise, car c’est bien le mot qui convient, de ne plus pouvoir écrire, de ne plus en avoir la force mentale et la capacité. Je me sens exsangue et je n’ose pas reprendre mes pages blanches…
Pendant cette année 2001, qui fût un cauchemar, un drame permanent et douloureux, j’ai passé des vacances à Cabourg dans le palace que dirige un oncle de ma mère avec lequel elle est très proche. De lui et aussi de sa femme. Il faut dire qu’elles ont presque le même âge !
Cet oncle, qui est pour moi un « grand oncle » malgré le fait qu’il n’ait que 5 années de plus que ma mère, a toujours été extrêmement gentil et patient avec moi. Affectueux aussi, lui et sa femme, et je les aiment beaucoup.
Je rencontre ma cousine, leur fille, qui à un ou deux ans de plus que moi je crois. On s’adorait, j’ai fait la connaissance de ses amis du moment qui étaient super. Je ne les oublie pas. Elle m’a aussi présenté son copain, enfin son « petit ami » avec lequel je me suis tout de suite entendu très bien. Nous avons passés des soirées merveilleuses là bas. Tous sont très gentils avec moi (ça me change…) et les trois fêtes que nous avons partagées ont été des moments inoubliables de ma vie, comme de l’oxygène qui me faisait revivre.
Il y avait aussi Hortense, une amie de ma cousine, à qui je pense encore souvent !
Dommage que j’ai perdu tout contact avec elle car j’aurais aimé pouvoir lui envoyer mes écritures !
Lorsque j’étais avec elle, Audrey devenait plus floue, moins source de douleur. Hortense était si calme, humaine, douce aussi avec moi. Elle était très psychologue et je savais qu’elle me comprenait mieux que les autres.
Pendant un temps, plusieurs mois, j’ai cessé d’écrire. A Cabourg, où je suis retourné une deuxième fois, j’ai pu un dimanche revoir Hortense, accompagnée par une amie. Mais nous étions tous ensemble avec ma famille, Hortense et cette fille que je ne connaissais pas et je ne me sentais pas à l’aise pour parler avec Hortense et me confier. Je suis resté timide et silencieux…Quand je l’ai raccompagnée à sa voiture nous avions convenu de nous appeler mais je ne l’ai plus jamais revue, juste eue au téléphone ! Après quoi, silence total, black out, elle deviendra un fantôme….
Je me suis retrouvé dans l’ascenseur de l’hôtel avec Emmanuelle Béart et sa famille. Je n’ai pas su dire un mot, tellement interloqué de me trouver en présence de cette actrice, en plus j’avais chaud et je transpirais, je me sentais archi nul, moche, c’était terrible !
En étant à côté d’elle, je me suis dit « si tu veux te retrouver avec des stars à nouveau, et avoir quelque chose d’intelligent à leur dire, rencontrer ceux que tu admires et espérer pouvoir lier une amitié avec eux, alors écris, écris encore et toujours pour arriver à les toucher, les impressionner peut être ? Comme ça, la prochaine fois que tu te retrouveras dans l’ascenseur d’un hôtel avec Emmanuelle Béart, tu pourras lui dire quelque chose … ».
Ca a été comme un déclencheur qui m’a motivé et à partir de là j’ai retrouvé l’énergie de reprendre mes écrits et c’est à ce moment là que j’ai entamé l’écriture de « mon » histoire : « Section 19 », mon œuvre la plus importante. Un autre univers, un autre style…
Je me suis imprégné de plusieurs idéologies pour la construire et me suis fabriqué un monde à moi à partir de tout ce que je pouvais capter, partout. Aux infos, dans mon vécu, dans les journaux, la Bible, les reportages ou les films sur les prisons et l’activisme, les émeutes dans les cités….
Quand j’écrivais mon bouquin, d’ailleurs en règle générale lorsque j’écris, j’ai des images qui défilent dans ma tête comme un film.
Pour construire mon « Section 19 », j’ai aussi regardé quelques films ce qui fait que quelques images de certains films me revenaient en flash et m’inspiraient une scène que je créais ensuite.
En 2002, lors d’un festival à connotation littéraire « Du livre à l’écran » qui a eu lieu à Sommières dans le Gard, j’ai eu l’immense privilège – grâce à maman et son fameux réseau – de rencontrer Marcel Jullian qui intervenait en tant que conférencier. Lorsque je me suis retrouvé assis à une table de bistrot, sur la place du village, face à cet homme âgé avec lequel j’ai entamé une conversation, j’ai été frappé par ses yeux. Si clairs, si purs, comme du cristal, les yeux d’un homme jeune, ouvert et intelligent. Son regard m’a vraiment marqué.
Il a été très attentif et très gentil avec moi pendant tout ce temps partagé qui dura environ trois quarts d’heure. Il m’expliquait qu’il animait une émission de radio de chez lui, je lui parle de quelques uns de mes textes. Il m’explique qu’il faut que je lui fasse un synopsis de ce que je souhaite lui faire lire parce qu n’a pas le temps de tout lire et il m’explique que, de toutes façons, lorsqu’on reçois un manuscrit complet on ne le lit pas, on le met de côté.
Il nous donne son numéro de téléphone et son adresse personnels, maman note tout cela et lui donne ses coordonnées. C’est elle qui lui enverra mes écrits et je sais qu’ils ont souvent été en contact téléphonique et qu’ils se sont écrits plusieurs fois. Il lui disait – parlant de mon écriture – « il a ce don incroyable et rare de retranscrire ce qu’il ressens ou perçoit par les mots, mais ce sera dur pour un Arthur Rimbaud de réussir à l’époque de la star academy » !!!
C’est dingue, cet homme a su me percer, et aussi l’évolution pernicieuse et déplorable de la télévision, lui qui a dirigé une chaîne nationale pendant quelques temps !
Moi, je ne pense pas être un Arthur Rimbaud, bien qu’il ait dit cela à ma mère….
Plus tard, il enverra une lettre à maman, disant qu’il a aimé le synopsis de « Section 19 », précisant même dans son courrier « c’est Dieu qui bat par K.O. Beverly Hills ! ».
Je lui ai parlé au téléphone pendant plus d’une heure un soir de Pacques, il était tard, 21 heures, mais j’ai eu envie de lui parler. Il m’a écouté pendant tout ce temps alors qu’il avait encore mille choses à faire et m’expliquait la complexité et parfois l’horreur du système éditorial (les maisons d’éditions), ainsi que celui de l’industrie cinématographique de nos jours. Il me parle de leurs règles tyranniques et stupides, brisant mes illusions sans le vouloir. Il voulait juste me parler comme le ferait un ami, un protecteur.
Lorsque j’ai raccroché, malgré le plaisir que j’avais eu à discuter si longtemps avec lui, j’étais un peu désespéré parce que je pressentais que tout serait très dur, de l’ordre du miracle quasiment ! Presque je lui en voulais un peu de cette franchise si totale.
Quand j’ai appris sa mort, il y a 2 ans tout juste, je m’en suis voulu et me suis senti coupable de ne pas avoir continué le dialogue avec lui. J’aurais voulu qu’il puisse voir ce que je fais à présent. Il m’aurait peut être encouragé ? Mais il n’est plus là et ça me fait mal.
Je sais qu’il était resté en contact assez régulier avec maman à qui il avait avoué en avoir assez de la vie, surtout depuis sa chute, cet accident stupide au Luxembourg qui l’a tant fait souffrir m’a expliqué maman. Il trouvait que le monde devenait moche.
« Déformation mixe live »….
Aujourd’hui je me sens définitivement « mort », j’ai existé, avant….
J’ai des phases de difficulté pour écrire et ma foi s’érode un peu.
Le monde du cinéma se fout de moi, celui de la littérature aussi sans doute. Qui s’intéresse à moi hormis un cercle très restreint ?
Certains de mes amis se lassent de moi, il y a même des gens à qui ma tête ne revient pas sans que je les connaissent !
Je me sens comme un gros con attardé qui croit que ses torches culs vont changer sa vie et le monde, alors qu’il n’en est rien, c’est faux évidemment, ils ne sont pas à la hauteur d’écrivains comme Chuck Palahniuk par exemple.
J’aurais tant aimé être l’auteur de cet article « Une journée avec Brad Pitt » d’Emma Forrest ou bien encore – celui qui a ma préférence – « Se tirer les cartes » de Chuck Palahnuik, un portrait sur Marilyn Manson ….
Quand je vois des gens comme Michel Gondry, que je respecte beaucoup pour tout ce qu’il a réussi a faire, je me dis que lui au moins il a su réaliser tous les rêves que j’ai, comme si c’est lui qui vivait mes rêves à ma place, et moi je suis dans mon cauchemar. J’ai l’impression d’être un monstre au lieu de vivre la vie dont je rêvais. D’ailleurs, quand je suis avec ma mère dans les supermarchés, les gosses – des gosses de 3 ou 4 ans – crient en me montrant du doigt et en s’esclaffant « Lui pas beau, lui monstre » et les parents qui ne bronchent pas, se contentant de me regarder sans rien dire….
Je n’ai pas l’affection des stars que j’admirent, celles qui accompagnent ma vie et mes rêves depuis l’enfance, j’ai l’impression que mes rêves s’évanouissent comme des nuages après l’orage lorsque ce ciel redevient pur. Par contre, je sens le mépris autour de moi. Par exemple Tom Cruise, qui avait pourtant promis à maman en lui pressant les mains, n’a pas même daigné me faire le moindre signe, pour moi il a été celui qui a allumé la mèche pour brûler ce qu’il restait en moi d’illusions et de confiance en l’avenir. Ca m’a anéanti !
Pourtant je suis persuadé qu’il a lu ce que maman lui a remis à Marseille. Il nous l’a promis, mais rien n’est moins sur finalement. L’attente est douloureuse et destructrice !
Maintenant j’en arrive à douter de l’humanité, de tous ceux que je « côtoient » par l’esprit et le cœur depuis tant d’années.
Les seuls mecs qui me parlent, ou presque, ce sont des types dévorés par leurs joints, qui me demandent du feu dans la rue alors qu’ils ont une allumette qui grille dans leur main ! Après ils vont défoncer les poubelles…
Ou bien ce type qui, me prenant pour une fille, se met à me draguer. Je me suis cassé vite fait au moment où il a fait mine de se foutre à poil en lui criant que je m’appelais monsieur x !!!!
Il y a aussi ces bandes de jeunes qui viennent me proposer de me shooter avec eux, ce que je refuse évidemment, idem pour les dealers qui me proposent leur merde régulièrement. Je ne touche pas à ces saletés.
Moi maintenant, je me sens comme Jésus dans la passion du Christ : scarifié, bafoué, trahi, rejeté, haï, torturé et contraint de porter tout seul le fardeau de la vie que la société, l’humanité, m’ont infligé. Personne, naturellement, ne se sent coupable de rien et pourtant ils m’ont détruit et je porte ma croix sans que leur conscience en soit le moins du monde perturbée !
Au lieu de reconnaissance (ce à quoi j’aspire pourtant) je reçois dans la gueule des bouteilles de bières que me jettent des jeunes dans la rue, histoire de s’amuser. J’aurais préféré garder mes forces pour arriver au bout de mes rêves : écrire sur « mes » stars !
J’ai très envie d’envoyer le texte que j’ai écrit pour Marilyn Manson, intitulé tout simplement « Lettre à Marilyn Manson ». Il a été pour moi une aide précieuse et bienfaisante pour panser la blessure Tom Cruise. Oui, j’ai vraiment envie de lui envoyer ce texte fait pour lui, sur lui, mais j’ai peur – comme toujours – de sa réaction, peur qu’il n’apprécie pas, qu’il me jette lui aussi.
Pour moi, ce garçon me fascine, je le trouve impressionnant car il a su transformer ses souffrances en revanches et il a réussi sa vie, lui !
En plus, il a du talent, même si il a un look un peu space, ce qui ne me dérange pas du tout d’ailleurs. J’aime bien cet œil blanc qu’il se fait, c’est marrant. Et même si quelques détails de lui m’effraient un peu, j’ai compris qu’il n’a pas un fond mauvais et que toute cette « mise en scène » est un bouclier pour se protéger d’une certaine façon. J’aimerais pouvoir discuter avec lui, le rencontrer, passer du temps.
Je fais souvent des kilomètres à pieds, essentiellement la nuit. Par exemple traverser toute la ville pour aller de chez maman à chez ma grand-mère qui habitent à l’opposé. Après j’ai les pieds en feu et je suis épuisé…Là, je croise les clodos qui dorment dans les abribus, toute cette faune de la nuit, paumée et sans rien. C’est pathétique cette misère.
Les parcs ressemblent souvent à des dortoirs où a une fin de rave partie, des déchets de toutes sortes qui traînent partout, c’est crade…les bouteilles volent…
Il y a aussi ceux qui hurlent sans raison, comme ça pour faire du bruit, et ceux qui pissent partout. Des supporters de foots totalement bourrés après un match bien arrosé et qui viennent gerber sur les trottoirs. Les carcasses de bagnoles cramées – il y a en a eu pas mal ces derniers temps, ils en ont même parlé dans le journal pendant quelques jours – ceux qui bousillent les anti vols de vélos pour les piquer et ceux qui bazardent les poubelles pleines contre les murs comme si il s’agissait de ballons…. C’est « space » !
Dans la nuit, il y de drôles de cris qui déchirent le silence.
Avant de rentrer j’observe un jeune SDF, torse nu et assis par terre tout recroquevillé. Il fait sa nuit !
Après je rentre pour me détendre un peu et je regarde un DVD de Friends, et le concert de Marilyn Manson : époustouflant ! J’éteins la lumière et regarde dans la pénombre la forme d’une icône sur le mur, et le ciel étoilé en repensant à mes fantômes passés…Eloïse, Hortense, Célia et quelques autres.
Quand je suis ainsi, dans l’obscurité et seul avec moi-même et mes rêves, je me laisse aller à fantasmer à une vie que j’aurais aimé vivre, tout ça en écoutant des musiques nostalgiques à la radio.
Les films où je peux voir et revoir ces acteurs qui me hantent remuent le couteau dans ma plaie. Et comme je suis insomniaque, ça tourne en boucle dans ma tête toute la nuit, toutes les nuits. Il me faut vivre avec cela, c’est un poids terrible, comme une torture distillée à petites doses, inlassablement. Mon existence est devenue vide par la volonté d’une société qui ne me laisse aucune chance et dans laquelle je ne parviens pas à trouver ma place. En quoi mes rêves étaient ils gênants et pour qui ? Je sens ma flamme s’éteindre et me sens comme prisonnier d’une carcasse organique trop grande, trop immense, vouée à la décomposition.
Je sais bien que chaque être humain est destiné à ce pourrissement du corps, tôt ou tard puisque nous mourrons tous un jour ou l’autre ! Se laver, entretenir son corps, sa forme, son aspect physique c’est bien mais cela ne fait que retarder l’inévitable échéance….
Tous ceux que j’appellent mes « oppresseurs » (les psys, la plupart des gens, le système social tel qu’il est construit, les gosses à l’école qui déjà vivent et sème la cruauté – j’en sais quelque chose ! -) ont une vie qu’il est convenu d’appeler une vie dans la norme, moi je vois ça comme des vies invisibles, vides. J’avais envie de toute autre chose pour ma vie.
Par contre, il existe des exceptions à la règles, comme par exemple des chanteuses ou des starlettes de tous ordres à qui on octroi le droit de pleurnicher en public sur leur pauvre sort, pour des broutilles en fait parce que la vraie douleur, en général, elles ne savent même pas ce que cela veut dire. Evidemment, avec une jupe à ras le minou et un micro à la bouche, elles sont sans doute plus attractives que moi pour certains producteurs… notamment dans certaines émissions de TV réalités, en général d’un niveau au ras du sol !
Moi, les gens me regardent bizarrement, avec mon physique de colosse tout de noir vêtu, je ne suis pas dans la norme ! J’inspire des sentiments étranges comme ce pompier, lorsque je faisais un stage dans un PC de sécurité de la ville et à qui une femme demande si je suis son fils. La réponse cinglante fuse comme une boulet de canon : « ah ! Non, surtout pas ! » Il se tourne alors vers moi et me jette à la face « si je t’avais comme fils, soit je me flinguerait, soit je t’abandonne sur le bord de la route ». J’en ai entendu de pires…
Alors voilà, le « Monstre » a pris forme. La face hideuse du monde a enfin une représentativité : MOI !!!
Quand je vois des photos de moi avant, avant que je ne sois « mort », quand j’étais encore un enfant ou un jeune adolescent mince et au visage régulier, je me dis que c’est dans une autre vie, ce n’est pas moi, cet enfant là n’est plus…
Où quand l’innocence devient tourmentée au point de se transformer en un amalgame de blessures indélébiles.
Quand on voit ceux qui veulent faire du mal, on a envie de leur montrer le résultat de ce qu’ils veulent infliger. Tu vois un gamin tout mignon, tu te dis que personne ne voudra lui faire du mal. Et après, il grandit et les saccages causés par la méchanceté, la perversité parfois de certains humains, transforment ces gamins adorables en bombes à retardement.
Heureusement, je ne me sens pas comme ça, dans le sens de la violence envers les autres. Je sais que je suis incapable de faire du mal pour faire du mal, bêtement. C’est tellement con !
Et les conséquences si désastreuses que vraiment il faut beaucoup de bêtise ou de perversité – ou les deux à la fois – pour en arriver là !
Je hante les rues, la nuit, et j’observe la face noire des hommes, leurs vices, même les vôtres, à vous ceux de « la France d’en haut » (quelle saloperie cette expression, et quel mépris dans ces mots), ceux que l’on considère comme « normaux », voire « des gens bien » alors que la plupart du temps ce sont ceux là même qui ont le plus de vices… Ce qui ne les empêche pas de chier sur nous « ceux d’en bas », nous les différents, les internés, les exclus.
Vous m’avez dégoûté de l’espèce humaine, et je trouve infiniment plus de sentiments nobles chez les animaux que chez vous. Je Hais votre système et votre sens des valeurs, vos hiérarchies de merde.
Je n’ai qu’une hâte : quitter ce monde qui me débecte, cet espèce d’étouffoir dans lequel je ne trouve pas la moindre joie.
Le cynisme est devenu mon arme et mon jeu pour mieux supporter tout ça, cette kermesse grotesque qu’est la vie…
De toutes façons, la vie continue n’est ce pas ? Et vous en ferez toujours d’autres, des comme moi je veux dire. C’est inévitable, un cycle social où parfois quelques « tâches », comme moi, se mêlent à vos semblables.
« Seigneur Jésus Christ, prie pour le salut de mon âme ! Mixe live »….
Vincent Blénet