AUSTERE MONASTERE (l’Enfer-Me-Ment)
21 juin 2021 par vincent
Rien ne change, rien ne s’efface, tout se meurt puis se réveille. Le vent ne chasse pas l’abomination du passé, non. Les siècles deviennent poussière et s’éclosent encore, encore plus gores. Le déclin n’est pas une fin, juste une mise à jour du système.
Tuer la souffrance et se contorsionner avec ses propres dualités, ses propres contradictions et découvrir qu’à défaut de mourir il y a subir.
L’auréole ferait-elle de moi un saint ? Ici-bas ? Au fond de cet abysse carcéral où mon âme passe et y trépasse un milliard de fois ? Ce sombre monastère n’est-il pas moins que mon sordide enfer ? Là où pullule cantiques pamphlétaires et négationnistes rosaires.
Le temps est un miroir, ses reflets sont identiques à l’infini, l’immortalité est une traversée qui se réitère sans espoir, sans pardon, sans amour, vidée de toute sensualité. Elle se fane et refleurit inlassablement. Parfois je me suis régulièrement senti prisonnier par les jours, captif d’un esclavage sans issue. J’avais tellement besoin d’étendre mes ailes au soleil levant, ressentir le vent caresser mes plumes et enlacer mon visage. Je voulais regarder avec mes yeux de feux la magnificence de la lumière. Je souhaitais illuminer mon auréole de pureté immaculée. Mais le ciel n’était pas d’accord avec mes prières, il ordonna aux flammes des enfers de m’emporter puis m’emprisonner loin des âmes, loin des jolies femmes, tout en bas où la vie n’est qu’une survie, froide, dure, intransigeante et accusatrice. Là où la liberté est un suicide, là où la vie est un liberticide.
Je tourne en rond, neurasthéniquement, en rond, toujours en rond petit patapon, autour des cercles chaotiques des royaumes infernaux où traînent mille tourments et un milliard de maux.
Le silence n’est point un cantique, non, le silence est un vacarme assourdissant.
Longue est la chute, périlleux est l’atterrissage. Lorsque mes ailes ont embrassé ce désert immense, lorsque mon subconscient s’est mis à danser avec la fournaise, l’embrasement des sens, j’ai levé mon regard de braise vers le ciel, j’ai levé mes yeux vers elles, toutes mes belles jouvencelles me dévisageant, toutes esclaffées d’un fou-rire machiavélique et narcissique. Elles auraient presque joui de se moquer sur ma disgrâce.
J’avais prié pour que le vent caresse mes ailes, j’avais supplié le ciel d’être avec elles. Tout ce que je vois c’est qu’elles sont tellement cruelles, mais pourtant elles sont tellement belles.
Je déambule, funambule encore et encore, lascivement sur les vertiges de l’excès, je toise leurs cruautés, mes yeux de feux s’enflamment de rage et de fureur. Blessure est mon amère morsure, la colère masque ma tristesse, mes sentiments pleurent et mes larmes ont une saveur de sang. Pourtant si elles me blottissaient entre leurs bras si délicats, mes ailes seraient dociles. Fragile, ma vie ne tient qu’à un fil sans elles.
Je tourne en cercle, là où traînent mille tourments, là où s’endorment un milliard de maux.
Périlleuse est ma chute, douloureuse en est la disgrâce.
Le vent d’ici-bas crache ses brasiers sur mon visage. Le silence de ce désert est davantage chaotique que le chaos lui-même. Clignant des paupières j’observe là-haut les attrayantes donzelles, elles sont gagas des apollons virtuels, ces derniers ne sont que farces et attrapes dans un opéra de frimes. Ces gugusses font leurs grimaces de racailles animales dans le but d’émoustiller les émois vaginaux des tourterelles. Et ça marche ! Elles dégoulinent de vanités vénales face à ces phénomènes masculins de foire carnavalesques.
Le silence est à double sens, il m’interroge et me répond en même temps.
Cette effroyable indécence me hurle intérieurement qu’elles ont marchandé leurs grâces ainsi que la noblesse de leurs âmes contre une pureté de pacotille. La luminosité éphémère qui régente le ciel a travesti les valeurs de Dieu, la luminosité festoyante trahi la roublardise de l’excès, l’ambition de se perdre dans l’obsolescence et la dégénérescence.
Le vent nous crache, tel ses glaires, du souffre virevoltant autour de nos ailes. L’air est fournaise ici-bas. Je traverse longuement, immuablement l’enfer, ce terrifiant désert, avec le vacarme assourdissant du silence qui résonne à foison l’incendie de mes désirs. La sensuelle frustration m’est une profonde brûlure à vif, elle n’arrive pas à se panser parce que je ne cesse de la triturer, de la provoquer.
Alors que l’orgie gueula à travers tous les continents des royaumes, alors que l’indécence masqua avec insolence l’éclaircie du soleil, l’étincelle des pardons, je regardais le défilé des ecclésiastes foutre le feu à toutes les croix qui prolifèrent en plein désert. Toutes ces prières devenant poussières et cendres sans avoir été prises en considération. Toutes brûlèrent à cause de prêtres incendiaires, pyromanes de l’excellence. Des confesseurs traîtres qui obscurcissent la voix de Père. Des prêcheurs falsifiés par l’avarice, des prédicateurs corrompus par le désir suprématiste de réciter mieux que Père la volonté de l’Esprit Saint.
La beauté d’âme ne se réserve pas exclusivement à l’auréole immaculée des fous dansants là-haut. Si le paradis n’était qu’un jardin d’enfants sages, tous biens propres sur eux, ça n’aurait plus de sens d’évoquer les verbes de « rédemption », de « pardon », de « résurrection ».
Caresser le fond de l’abîme, flirter avec les drames, cela forge l’émotion du bagnard qui expie ses crimes. Il sera à même de comprendre ce qui l’a conduit à tomber dans le gouffre. Ce « criminel », celui que la cour va jeter, scandale et honte, interdiction de poser les yeux sur son auréole salie, égratignée, c’est ce même « criminel » qui sera pourtant un porteur de lumière, une lumière d’espérance, une lumière d’acceptation, de pardon et de « vivre-ensemble ».
Dans la noirceur absolue il y a une possibilité d’apercevoir la lumière, alors que dans les projecteurs pleins phares il n’y a qu’aveuglement des visages, autres que ses propres flatteries égoïstes où l’orgueil narcissique n’accepte rien en dehors de son point de vue, un regard fait de préjugés arbitraires.
Et le silence est un insolent vacarme, un brouhaha infernal et démentiel de colère, de pulsions destructrices, comme pour me punir, me châtier de ne point être avec elles et en elles lorsqu’elles dansent. Dans ce désert le mal peut ressembler à un rosaire.
Les siècles passent, se prélassent, les siècles se prostituent et trépassent, enclins aux deuils des solstices. Je traverse chaque éveil dans un profond sommeil. Je n’ai pas encore pu goûter au nectar de l’existence. Je comprends la vie de l’extérieur, comme un rêve qui ne m’y a pas invité. Le silence est un vacarme. Un terrifiant brouhaha rugissant et angoissant chacune de mes craintes d’avancer sur le fil de la vie, une vie faite de mines explosives, toutes prêtes à dégoupiller vu la sensibilité fragile de l’émotionnel, vulnérable et apeuré.
Les siècles passent et se lassent, les siècles trépassent et s’effacent, la décadence s’immisce et se prélasse. J’ai l’acouphène d’une vie existante hors de mon chaos narcoleptique.
Les deuils m’étouffent chaque syllabe. J’entends la dégénérescence partir à foison, elle initie la farandole crétine à exécuter la danse mécanique sans âme guider le pas. Les soleils se lèvent et s’éteignent sans but, inlassablement et immanquablement, ils s’éveillent et se meurent fanés, vidés de leurs énergies créatrices. Gangrénés par divers venins, diverses controverses, divers poisons corrosifs issus du marché imposant.
Les siècles se lassent et s’effacent. J’absorbe abstrait cette vie assez fade, plongé dans un sommeil de retrait, par crainte d’avancer sur les mines.
Mes narines perçoivent une odeur de cramé, ben, c’est encore les confesseurs ecclésiastes qui paradent en cadence ordonnée pour aller incendier de nouveaux champs de croix. Les croix de bois ne valent pas leurs croix de fer.
Le silence n’est point un cantique, non, le silence est un vacarme assourdissant.
Je regarde ces prêtres danser comme des désaxés devant toutes ces croix incendiées, illuminés par leur stupidité de supériorité autoritaire. Le chaos est devenu un entracte entre mes drames. Au-dessus il y a ce ciel qui s’embrase, ciel obscurci, ciel endurci, un ciel qui se plonge et s’allonge dans la corruption et la débauche. La pureté des voix angéliques s’enlisent à travers le poison parfumé des marchandages, contrefaçon de marchands d’âges.
Là-haut j’observe le ciel rougir, non pas de honte ni de timidité, mais un ciel qui péri à rugir de l’hérésie aux tarifs rouge-sang, les voix de l’innocence sont désormais les voix de l’insolence. Le silence s’allonge et se prolonge, il devient un labyrinthe de non-sens.
Assourdissant, le silence est une effroyable violence, puissant vacarme aux conséquences incendiaires. Si l’orgie d’au-dessus est une sourdine de bastringue trop osée, le silence qui m’emprisonne est un océan d’asphyxie dans un Styx mélancolique, neurasthénique.
Le vent carbonique d’ici-bas me souffle ses braises en plein visage, la dépression est une horloge, mon sablier carcéral au ralenti dont le silence est bien plus qu’une présence.
C’est une sentence. Froide, lascive, passive, diabolique, glaciale et infernale, une sentence.
Le silence est aussi ma sentence, l’écho vidé qu’il renvoie face à mes prières, espérances suspendues vers le gouffre dans un vertige de l’abîme. Je caresse le désarroi.
L’absence de réponse est aussi glacée que la froide résonnance de la désespérance.
Le silence est un vacarme assourdissant. Un diabolique tintamarre qui effraie ces enfers.
Dans la pénombre se cache beaucoup d’ombres, des ombres qu’on a volontairement oubliées, mises à l’écart sauvagement, brutalement. Dans la pénombre, nous sommes en nombre, nous sommes les ombres de vos péchés, nous sommes les ombres de vos déviances, nous sommes les ombres de vos dératés, de vos décadentes vénalités. Nous sommes vos ombres, immortelles, éternelles. Nous sommes les ailés bafoués rugissants au milieu des brasiers. Nous vous regardons, que dis-je, nous vous toisons à contre-sens dans la défiance. Dans une nuit faite de ténèbres qui aspirent à trouver de la lumière, nos yeux de feux ridiculisent vos orgies pathétiques de privilèges là-haut. Alors que nos flammes gagnent vos âmes, la grâce de Père cherche à trouver refuge au sein de notre disgrâce, désertique, carbonique, mais si révélatrice de votre cantique.
La fournaise me jette ses braises en pleine face alors que je traverse les enfers dans une résilience, parfois monastique, parfois hérétique, parfois catatonique.
Je tourne en rond petit patapon, pendant qu’EUX s’amusent, mes maux conjuguent mille tourments là où s’endorment mille serments.
La brûlure est désertique, elle est carbonique. Elle est cette ecchymose légère, presque éphémère, elle est une morsure qui n’est que fade blessure, comparé à cette extase orgiaque, comparé à ce gang-bang blasphématoire qui se trame là-haut, avec elles et leurs ridicules bouffons, théâtre de virilité. L’ecchymose m’est davantage une déchirure, droit en pleine âme.
Le temps est insolence. Les secondes sont assassines. Le vent crache du souffre, mes paupières clignent, à la fois craintives et déviant vers une mascarade de ciel blême.
Envieux fougueux d’aller m’abandonner dans cet onctueux parfum, savoureux nectar de mille plaisirs, jasmin de tous mes désirs. Envieux de plonger mon être au cœur de toutes les belles jouvencelles, elles qui dansent avec grâce érotique, sensualité onirique, elles qui dansent avec indolence dans l’insolence d’un paradis forfaitaire. Le dégradant piège à con malsain où l’éternité s’est masquée dans un bonheur virtualisé, accessible si l’on y paye le prix extrême.
Le temps est insolence. Les miroirs sont faux-semblants. Ici-bas.
Le brasier des enfers me crache ses glaires, je traverse la fournaise encore et encore, seul, sans être avec elles. Seul, sans avoir pu goûter à leurs faveurs. Sans avoir pu sentir leurs odeurs.
Les nuages rougeâtres valsent, ils dansent et se cadencent avec irrévérence. Notre horizon s’enflamme de rage, il s’enflamme de sang et s’héroïne d’excès.
Je fixe, mélancoliquement rêveur, leurs cieux à elles.
Si les voix d’un ciel nous semblent impénétrables, c’est ensemble, solidaires et unis, ensemble fraternellement, que nous parviendrons à ouvrir une voie, une éclaircie au bout des Ténèbres.