CLOUS ET PITANCES (l’Enfer-Me-Ment)
29 juin 2021 par vincent
L’horreur en fête, les prêtres hurlent à tous les refusés combien nous sommes tous « blasphème », combien notre errance est « hérésie ». Les âmes damnées rugissent de mille douleurs et mille peines, la prêtrise vocifère la révocation de l’existence et jouit de blâmer, condamner tous ceux qui survivent à travers la « différence ». Les secondes sont des heures, les heures se comptent en poussière au cœur de cet effroyable désert.
En l’an de disgrâce, ici-bas, nous ne sommes qu’horreur.
Les voix résonnent l’agonie à travers tout l’enfer, les braises nous lacèrent avec la fournaise. Je vois l’ensemble des ecclésiastes, tous en cercle et groupés, déambuler et juger puis condamner les apeurés, tous ceux que le ciel daigne pointer de l’index et cracher son fiel glaireux parce qu’ils ont osé être « visibles », en-dessous, dans un coin, alors qu’ils nécessitent un large horizon, déjà réservé et payé d’avance, afin que les fous d’éden, les petits malins manipulés par leur vanité, matérialistes et mercantiles, tous ces freluquets pathétiques et pathogènes, eux qui gangrènent les cieux. Tous aiment jouer à l’apollon analphabète, exhibant sa crétinerie arriviste et dominatrice V.I.P. dans le but de farcir les merveilleuses déesses, complices de ce désastre chaotique.
Les monastères forment et institutionnalisent des jeunes loups écervelés, prêts à évangéliser le mensonge, la trahison, l’ambition, la cruauté et l’avarice ainsi que la frime guignolesque aux plus offrants. J’assiste à chaque office, par ennui, par curiosité, par pulsion dépressive et autodestructrice, qui sait ? Même moi je n’arrive pas à m’avouer de quel défaut je dois me confesser.
Les prédicateurs exhibent les crucifiés sur la place publique. Ceux qu’Eden a jugés nuisibles, perturbant le bon fonctionnement de sa débauche d’orgie agressive. Ceux qu’Eden a marqués du sceau par un crachat évangélique, ceux qui seront les amuses bouche de l’inquisition festive dominicale, l’Entertainment discount pour les damnés.
Le tableau des enfers, avec mon triste désert, tous les charognards, les bagnards, les tourmentés et les tourmenteurs, réunis à l’unisson dans un opéra cacophonique et catastrophique, un bazar monstre où cette faune va jeter flammes et lames sur les exhibés cloués sur des grandes croix. Au-dessus un ciel rouge sang et un sombre visage qui se dessine dans les nuages, ses yeux sont feux de sang, il fixe avec un sourire sadique, un sourire de sang-froid, les miséreux accrochés aux croix et s’enivre de plaisir lorsqu’il contemple le spectacle inquisiteur.
Les charognards, les bagnards et tous le toutim des enfers s’excite et balance les projectiles ainsi que des crachats et des injures gratuites sur les exhibés crucifiés. Le visage rit.
Les anges déchus volent en cercles au-dessus des crucifiés, c’est jour de fête aux enfers, les cercles, tous géométriques, sont en extase. Cette haine est presque un rosaire.
Les prêtres hurlent abnégation, soumission et négation pour les âmes cloitrées ici-bas. Nulle différence ne se doit, autre que l’allégeance aux pisseurs de foutre là-haut, les élus d’Eden.
Chaque messe c’est la même ritournelle, la même duperie, la même entourloupe.
Il faut mentir pour devenir, trahir pour parvenir. Détruire pour jouir.
Le tableau dégueu d’Eden et la boucherie sauvage chez nous ferait pâlir les peintres baroques, les orfèvres de la Renaissance, notamment un jeune Jérôme Bosch.
Même si je traverse au milieu de la crasse, même si je tutoie avec les ombres, même si je joue avec les flammes et mime les drames, même si mes ailes se déploient avec blasphème.
Les apollons de pacotille ne savent pas être avec toutes ces magnifiques jeunes femmes.
Ils ont l’arrogance, ils ont la connivence mais à part les farcir de sperme sans état d’âme, ils n’ont aucune grâce, ils ne font que satisfaire des garces. Je vois tant de beauté être souillée.
J’ai marché indéfiniment par-delà les deuils, j’ai frôlé tellement d’excès, j’ai jonglé et embrassé l’hérésie, le blasphème. L’horreur fut mon amante, la mort ma maîtresse, la désillusion ma concubine. J’ai tant prié, j’ai voulu croire, j’ai cherché l’espoir. J’ai subi.
J’étais si jeune pour mourir autant de fois. Comme si à travers la succession de décès que mon cœur a enduré et que mon âme a surmontés, comme si je muais en crevant et qu’en quittant mes éphémères chrysalides, une part de moi devint plus froide, presque immunisée à l’émotion, la pudeur, la timidité etc. une part de moi devint plus endurcie, prête à traverser mon désert.
Cependant j’ai inversé les cartes en flirtant outrageusement avec la folie et les provocations. Une part de mon être s’en ressent fortifiée et je prends plaisir, même si c’est pénalisant pour mon mantra et que ça amplifiera la blessure de mon sortilège. Mais c’est euphorisant d’incarner l’envers du cauchemar à tous ceux de ce satané ciel, tous ces élitistes qui festoient, joviaux d’insulter, de rabaisser, de diffamer et pourrir l’existence déjà sordide de toutes ces créatures que nous sommes ici-bas, bien nauséabondées par les pisseurs apollonesques.
Je fais mumuse avec mes plaies et mes frayeurs, provocateur, j’invective là-haut avec fureur.
Les exhibés sur les croix sont en pleurs, ils reçoivent les dagues, les flammes et nombre d’injures. Les pasteurs sacralisent les monastères et nombre de menteurs. C’est la communion des assassins ecclésiastiques. Le visage effroyable dans notre ciel rougeâtre anoblit et sourit, défiant, toisant avec arrogance nos mines carbonisées par l’apocalypse.
Dans l’agonie dominicale, nous enlaçons la démence et multiplions les injures, les projectiles sur les crucifiés, en algorithme avec les pisseurs d’Eden.
Est-ce que l’innocence de l’ange n’en fait-il pas moins le prédateur machiavélique ? Est-ce que la beauté du diable l’anobli en saint ? Est-ce que la perversion travestie en vertu en fait-elle un rosaire ?
Ici-bas il n’y a pas de tricherie, nous voyons l’obscurité d’Éden et dans sa brutalité toute entière. Seul le ciel peut prétendre qu’il y a « anguille sous roche ». Et ce n’est pas le vacarme assourdissant de haine et d’injures, ni même les projectiles balancés sur les malheureux, cloués sur leurs croix, qui oseront clamer « innocence » et pourraient éventuellement les délivrer du dernier jugement.
Mélancoliquement c’est bien les pisseurs d’Éden qui sont les sordides décideurs.
Je déambule, je traverse la peur, je ressens l’horreur. Le vent souffle ses brasiers sur moi, il caresse mes ailes. Je frôle les excès, j’enlace la violence, j’esquive la démence.
Charognards et bagnards se disputent avec une cacophonie effroyable les projectiles, marquetés, labélisés et vendus par les ecclésiastes pour lacérer et humilier les pauvres crucifiés dominicaux, exhibés comme des steaks avariés sur les croix. Les nuages s’embrasent, le visage s’enflamme et divertit l’hérésie. Les anges désenchantés tournoyants au-dessus se mettent à danser comme des désaxés et voler en symphonie décalée, chaloupée.
J’entends l’agonie rugir autour de moi, j’entends les pisseurs d’Eden festoyer et gicler de travers en fessant maladroitement les jouvencelles à la pureté crassée.
Je m’approche, curiosité malsaine, pulsion destructrice, besoin d’elle.
Je m’approche du gouffre aux âmes perdues. J’observe en retrait l’épouvante et la perdition à l’extrême. Ces âmes tournoient sans raison ni but dans un méandre de vanité calomnieuse, de violence blasphématoire, ostentatoire, d’ambition hargneuse et ivres de traîtrises.
Parmi ce désastre bordélique, je la cherche, elle. Elle qui me hante. Elle qui me manque.
Quelque part n’est-ce pas nous-mêmes, orfèvres des enfers, qui souffrent davantage de l’existence ici-bas ? Survivance carcérale, immortalité fade et vidée. Esclave de la douleur, bagnards dans la rigueur des flammes et des blasphèmes.
Sommes-nous plus condamnables parce que nous sommes les exclus, les refusés, les exilés, les bannis ? Père est-ce que tu nous entends ? Père est-ce que tu me vois ?….